Avignon

Marie-Claude de Jean-Pierre Thiercelin

La pasionaria du Parti

Marie-Claude de Jean-Pierre Thiercelin

Dans le peuple et au Parti, on appelle les gens par leur prénom. Cette « Marie-Claude », à laquelle Jean-Pierre Thiercelin consacre sa nouvelle pièce, c’est Marie-Claude Vaillant- Couturier, grande héroïne de la gauche communiste qui fut, peu de temps, l’épouse de Paul Vaillant-Couturier (il mourut prématurément, peu après leur mariage). Mais sa figure se détache toute seule dans le grand tableau de l’Histoire contemporaine : elle participa à la résistance, fut internée à Auschwitz et à Ravensbrück, témoigna au procès de Nuremberg, fut l’une des militantes les plus engagées pour une place de la femme égale à celle de l’homme et pour l’action culturelle. Elle est morte il y a bientôt vingt ans, en 1996.
On s’attend à un spectacle didactique et partisan. Et c’est tout le contraire qui se produit – même si chacun peut avoir un avis différent sur ce personnage historique et la mise en perspective de événements. Jean-Pierre Thiercelin a habilement imaginé qu’une femme du peuple, une vendeuse de muguet (la fleur du 1er mai, celle qui célèbre d’une part les Déportés et d’autre part le jour des travailleurs), vient parler de la pasionaria qui porte le même prénom qu’elle. Une Marie-Claude de la base se met à évoquer la Marie-Claude qui régnait dans les hautes sphères du Parti. Une prolétaire conte l’histoire d’une aristo de l’extrême-gauche. Car Marie-Claude Vaillant-Couturier avait été mannequin, était d’un grand raffinement et d’une séduction royale – ce qui n’était évidemment pas incompatible avec l’action révolutionnaire.
La pièce apprend beaucoup de choses. Elle est toute en bonds à travers le temps, dans un langage truculent. C’est la marque de l’auteur Thiercelin : une façon chaleureuse et singulière de bousculer les mots et le temps pour mieux éclairer les hommes et l’Histoire. Isabelle Starkier a construit une mise en scène très vive, chahuteuse, où interviennent très judicieusement des documents filmés. Quant à l’interprète unique, Céline Larrigaldie, elle empoigne le texte et le public dès la première seconde. Cette actrice est une Madame Sans-Gêne moderne. Elle déborde de gouaille, de passion et de drôlerie. Elle est explosive avec, sous l’énergie triomphante, la délicatesse des sentiments et l’art de suggérer la tristesse et la douleur. Sur Marie-Claude Vaillant-Couturier, il y a certainement des zones d’ombre qu’on laisse de côté mais ce portrait théâtral est étonnamment composé et interprété.

Marie-Claude de Jean-Pierre Thiercelin, mise en scène d’Isabelle Starkier, scénographie de Yvan Hesbois, costumes d’Anne Bothuon, avec Céline Larrigaldie. Texte aux éditions de L’Amandier, préfacé par Jean-Pierre Léonardini.

Bourse du travail CGT, 18 h, tél. : 07 87 93 59 71.

Photo Poupette Compagnie.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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