MARTO fête ses vingt ans

Un festival qui prend de l’âge sans prendre de rides

MARTO fête ses vingt ans

Au commencement ils furent trois : Pierre Ascaride , alors directeur du Théâtre 71 à Malakoff, Farid Bentaïeb du Théâtre Jean-Arp à Clamart, Gérald Châtelain au Théâtre des Sources à Fontenay- aux - roses, trois directeurs qui aujourd’hui arpentent d’autres territoires mais qui, au tournant de notre siècle, unirent leurs forces et leurs convictions pour mettre sur orbite M.A.R.T.O (Marionnettes et théâtre d’objets). Leur objectif, sortir la marionnette du champ clos de l’enfance où on avait alors, tendance à l’enfermer, démontrer que les comédiens de bois, de chiffon ou de papier pouvaient être de saisissants passeurs des catastrophes du monde, faire la preuve, le temps d’un festival que l’art de la marionnette, non seulement était singulier et multiple mais qu’il avait affaire avec l’art d’aujourd’hui.
Ils ensemencèrent si bien le terrain et leur passion fut si contagieuse qu’au fil des éditions la marionnette et l’objet colonisèrent d’autres tréteaux des Hauts de Seine.
Actuellement association riche de dix partenaires, MARTO est devenue une manifestation incontournable qui conjugue tout à la fois l’inédit et l’insolite, l’attention aux jeunes troupes et la fidélité aux artistes, ce qui permet au public de suivre l’itinéraire et l’évolution des équipes. Autant de visées à l’œuvre dans cette édition qui a mis « les petits plats dans les grands pour souffler ses vingt bougies ». C’est ainsi que Les Anges au plafond qui, avec Le Cri quotidien scellaient leur naissance lors de la première édition de MARTO, ont été invités à participer à la fête. Devenue troupe aguerrie dont on a pu suivre l’évolution créatrice à travers les six spectacles programmés dans le cadre de MARTO, notamment Une Antigone de papier , Les Mains de Camille autour de Camille Claudel , Les Anges au plafond ont mitonné pour cette édition festive un Bal marionnettique pétillant d’inventions et d’inédits où se confondent en une seule foule, public, acteurs, marionnettes et objets. Une grande chorégraphie au terme de laquelle « on sera bien en peine de dire qui de l’amour ou de la mort mène le bal. Qui du pantin ou de l’humain nous a entraîné dans cette danse du diable ».
Pour leur part, Alice Lescanne et Sonia Derzypolski , issues des arts graphiques, aidées du marionnettiste Samuel Beck ont décidé que le meilleur moyen de célébrer les vingt ans de MARTO était de convier cette star des coups de bâtons et des jardins publics qu’est Guignol à venir mettre son grain de sel. Elles estiment en effet que « depuis 212 ans qu’il tape sur les gendarmes il a gagné assez de maturité et vu aussi pas mal de choses qui lui permettent de faire son propre bilan et à travers son histoire nous livrer son sentiment sur ses consœurs contemporaines » Outre Salut public , le titre de ce spectacle, les deux complices, histoire de nous dire deux ou trois choses sur notre rapport aux autres, nous raconteront de façon on ne peut plus ludique Le jour où le Penseur de Rodin s’est transformé en gomme  »

Depuis vingt ans, la marionnette et l’objet n’ont pas seulement élargi le cercle des connaisseurs, ils s’immiscent aussi dans d’autres disciplines artistiques élargissant le vocabulaire de la danse, du théâtre, du cirque, ouvrant de nouvelles voies de recherche et d’investigation. Une effervescence dont témoigne aussi cette édition à travers ses moments forts et ses spectacles phares.
Parmi ceux-ci Alors Carcasse , spectacle de fort titrage poétique et subtilement politique, par la Cie Trois-Six-Trente de Bérangère Vantusso, dont les spectateurs de MARTO ont pu voir Les Aveugles de Maeterlinck et L’Institut Benjamenta de Walser.
Alors Carcasse imaginé par l’écrivaine Mariette Navaro est l’étrange épopée intérieure d’un être aussi indéfini qu’insaisissable, aussi tragique que burlesque dont on ne sait rien sinon qu’il se tient- là, au bord de son époque, bloqué sur le seuil, partagé entre le désir de le franchir et le refus d’obtempérer aux injonctions de Plusieurs autour de lui que son immobilité inquiète et dérange.
Pour mettre en scène cette partition singulière à l’accent beckettien, Bérangère Vantusso tourne le dos à l’hyperréalisme qui fit sa renommée et s’inspire des méthodes du Bunraku. En scène pas de marionnettes, juste des tiges de bois qui servent à les animer que manipulent cinq comédiens et comédiennes-marionnettistes. Cinq magnifiques et subtils passeurs qui, en une fascinante chorégraphie font, défont et refont Carcasse, suggèrent des paysages et des territoires intérieurs, ouvrent des pistes à notre imaginaire en même temps qu’ils nous entraînent au cœur même de la troublante humanité qui palpite au cœur du texte de Mariette Navarro.

Au programme de cette édition, il y aura aussi du cirque documentaire et de la poésie chorégraphique autour du monde du travail avec Burning ( Je ne mourus pas et pourtant nulle vie ne demeura) par la Cie Habeas Corpus. Pour sa part, la Cie 32 novembre avec A vue - Magie performative expérimente de saisissante façon une magie à l’échelle du corps. Le collectif X, lui, bouleverse malicieusement le schéma narratif du conte pour nous raconter une onirique et bouleversante histoire d’enfant et de loup (MAJA) . Avec la Cie Karyatidès qui mêle théâtre d’objets, d’ombres, arts plastique, musique et comédiens, c’est un Frankenstein revisité qui sera sur la sellette. Entre théâtre documentaire et fiction ; marionnettes de taille humaine et vidéo, L’Herbe de l’oubli par troupe belge Point zéro explore les conséquences de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. C’est au total une quinzaine de spectacles qui seront au menu de cette 20ème édition de MARTO qui, le 29 février, frappera les trois coups avec un des moments forts devenus la marque du Festival, La nuit de la marionnette où de 20h à 6 h du matin, au Théâtre Jean-Arp de Clamart et en toute convivialité, la marionnette s’offre dans tous ses états et tous ses éclats.

Festival MARTO du 29 février au 14 mars www.festivalmarto.com

Les Lieux :Théâtre des sources Fontenay aux roses 01 71 10 73 71
Théâtre Firmin-Gémier/ La Piscine Chatenay-Malabry 01 41 87 20 84
Théâtre Jean-Arp Clamart 01 71 10 74 31
Théâtre Victor-Hugo Bagneux 01 46 63 96 66
Théâtre de Chatillon 01 55 48 91 00
Théâtre 71 Malakoff 01 55 48 91 00
La Fabrique des arts Malakoff 01 55 48 91 00
La Supérette Malakoff 01 55 48 91 00
Le Temps des cerises Issy - les - Moulineaux 01 41 23 84 00
Université Paris Nanterre 0140 97 56 5

Photos : « L’Herbe de l’oubli » © Véronique Vercheval, « Alors Carcasse » ©Yvan Boccara, « Burning » ©Jérémy Javierre

A propos de l'auteur
Dominique Darzacq
Dominique Darzacq

Journaliste, critique a collaboré notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution, TFI. En free lance a collaboré et collabore à divers revues et publications : notamment, Le Journal du Théâtre, Itinéraire, Théâtre Aujourd’hui....

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