Opéra National de Paris

Lucia di Lammermoor de Gaetano Donizetti

En prélude à une saison riche en nouveautés, une reprise qui sacre le talent de Patrizia Ciofi

Lucia di Lammermoor de Gaetano Donizetti

C’est avec la reprise d’une production vieille de 18 ans que s’ouvre l’avant-dernière saison orchestrée par Nicolas Joël pour l’Opéra National de Paris qu’il dirige depuis août 2009. Le signal de démarrage est trompeur car contrairement à ce qu’on aurait pu redouter l’ensemble de cette saison ultime grouille de nouvelles productions, d’inventivité et même de prises de risque, des éléments qui durant près de 5 ans ont souvent manqué à l’appel.

Cette Lucia di Lammermoor de Gaetano Donizetti (1797-1848), née dans les brumes et châteaux hantés de l’Ecosse de Walter Scott fut transplantée en 1995 par le metteur en scène roumain Andrei Serban dans la grisaille d’un univers carcéral – une caserne ou une prison qui pourrait servir de décor à l’opéra de Janacek De la maison des morts. Un point de vue qui n’a toujours rien gagné en crédibilité – les cordes baladeuses, grues, passerelles et gymnastes acrobates en séances de musculation - restent hors sujet. Mais l’oeuvre est musicalement l’ occasion rêvée pour la révélation ou la confirmation de voix exceptionnelles, l’un des challenges préférés du maître des lieux.

Poupée de porcelaine

Après Natalie Dessay en 2006 (voir WT 992 du 18 septembre 2006), Patrizia Ciofi s’offre un triomphe avec ovation debout au baisser de rideau. C’est vraiment le sacre de cette délicieuse soprano italienne qui, sur la même scène avait déjà remporté quelques beaux succès dans Verdi, Mozart ou Richard Strauss. Dessay faisait de Lucia une ado pile électrique, Ciofi la transforme en poupée de porcelaine ballotée par la concupiscence de son frère Enrico qui veut en faire l’objet d’un troc pour échapper à la faillite. Tiraillée, dévorée par la braise de son amour pour Edgardo, l’ennemi de la famille, elle finit par se briser. . Ciofi l’habite avec une évidence confondante, simple et sans détour, le timbre lumineux aux aigus qui se déroulent en spirales avec le naturel d’une respiration jusqu’au crescendo de sa folie en écho avec la flûte danseuse de Frédéric Chatoux. Son jeu passe de l’innocence à l’hallucination avec la même intensité. Une Lucia idéale !

Vittorio Grigolo, ténor italien, tout jeune, tout beau, déjà couronné de prix et de récompenses diverses dans le monde mais pour la première présent à Paris, dote Edgardo l’amoureux trahi de son romantisme échevelé, de son impeccable ligne de chant, sa voix claire et chaleureuse à la fois doublée d’un vrai tempérament d’acteur. Il fut accueilli avec le même enthousiasme. Ludovic Tézier au timbre d’ambre n’a rien perdu de sa force de projection mais a perdu, et c’est heureux, une bonne partie des empesages de sa raideur. Son Enrico en devient plus humain.

Maurizio Benini reprend la baguette qu’il avait déjà cadencée en 2006 avec une égale et fine connaissance de cette musique si italienne, si romantique, suivant les chanteurs comme une ombre bienfaisante.

Le vrai démarrage de la saison

L’envol musical de la saison est donc parfaitement réussi en attendant son vrai démarrage avec jeudi 12 septembre la première représentation de l’Alceste de Gluck dirigé par Minkowski à la tête de ses Musiciens du Louvre Grenoble et mis en scène par Olivier Py – l’homme qui depuis son éviction de l’Odéon est sur tous les fronts avec trois réalisations en prélude à sa prochaine prise de direction du festival d’Avignon (Aida de Verdi, prochaine nouvelle production en octobre à L’Opéra Bastille et Le Dialogue des Carmélites de Poulenc au Théâtre des Champs Elysées en décembre).

Les nouveautés de la grande institution parisienne se poursuivront avec Elektra de Strauss par Philippe Jordan et Robert Carsen (fin octobre), I Puritani de Bellini par Michele Mariotti et Laurent Pelly (fin novembre) La fanciulla del west de Puccini par Carlo Rizzi et Nikolaus Lehnhoff (début février 2014), Die Zauberflöte de Mozart par Philippe Jordan et Robert Carsen (à la mi-mars), La Traviata de Verdi par Daniel Oren et Benoît Jacquot (début juin) et L’Incoronazione di Poppea de Monteverdi par Rinaldo Alessandrini et Robert Wilson (mi-juin).

Parmi les onze reprises on retiendra avec bonheur celle de Werther de Massenet mis en scène par Benoît Jacquot qui nous avait régalés début 2010 (voir WT 2153 du 28 janvier 2010).

Lucia di Lammermoor de Gaetano Donizetti, livret de Salvatore Cammarano d’après le roman de Walter Scott. Orchestre et chœur de l’Opéra National de Paris, direction Maurizio Benini, chef de chœur Alessandro di Stefano, mise en scène et lumières Andrei Serban, décors et costumes William Dudley. Avec Patrizia Ciofi (a)en alternance avec Sonya Yoncheva (b), Ludovic Tézier (a) en alternance avec George Petean (b), Vittorio Grigolo (a) en alternance avec Michael Fabiano (b), Alfredo Nigro, Orlin Anastassov, Cornelia Oncioiu ; Eric Huchet .

Opéra Bastille, les 7, 13, 20, 26 septembre et 1er octobre (a), 10, 17,23, 29 septembre, 4, 6, 9 octobre (b)

08 92 89 90 90 - +33 1 72 29 35 35 – www.operadeparis.fr

Photos Opéra National de Paris

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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