Critique – Opéra & Classique

Little Nemo de David Chaillou

Au pays du sommeil, les songes transfigurent la réalité

Little Nemo de David Chaillou

Angers-Nantes Opéra, l’institution aux deux domiciles que dirige Jean-Paul Davois aime décidément miser sur les créations et en gagner les paris. Un an après Maria Republica, premier opéra de François Paris (voir WB 5130 du 2 mai 2016), prix de la meilleure création musicale de l’association de la critique, elle largue les voiles d’une nouvelle commande maison, Little Nemo, premier opéra de David Chaillou.

Dans les songes du sommeil et au cœur des étoiles, son monde plane dans des sphères opposées à celles, noires et politiques, de son prédécesseur.
C’est l’imaginaire des contes qui cette fois pilote l’enseigne. Une suite de contes nés en 1905 de la plume de l’auteur américain Winsor McCay (1969-1936) sous forme de bandes dessinées. Les premières du genre sans doute. Little Nemo in SlumberlandPetit Nemo au pays du Sommeil -, les aventures d’un petit garçon qui, dès qu’il s’endort, s’envole au royaume des rêves, nourrit depuis plus d’un siècle l’imagination des enfants anglo-saxons. Il est moins connu en France mais il a, dès ses jeunes années, bercé les fantasmes et chimères du compositeur David Chaillou. Qui, une fois, adulte rêva d’un faire un opéra. Souhait exaucé par la commande de Jean-Paul Davois.

Chaillou confia à Olivier Balazuc le soin de mettre en scène et en mots les équipées nocturnes du dormeur, ce qu’il fit avec le compagnonnage Arnaud Delalande, auteur de l’histoire et du livret. Ensemble ils réinventèrent le sujet : Nemo adulte est devenu un homme d’affaires ivre de chiffres et de cours de bourse. Spéculateur immobilier il passe sa vie à raser des quartiers pauvres pour y faire pousser des gratte-ciels. La mort de sa mère le ramène au logis de son enfance, une maison à l’abandon où il retrouve sa chambre, son lit et ses rêveries noctambules. Et le voilà parti à la rencontre des locataires de ses rêves, Bonbon, son acolyte bondissant, le roi Morphée, une jolie princesse, la fée Cristalette, le méchant Flip qui veut tout s’approprier…

Composée pour 11 musiciens, la musique de Chaillou joue sur tous les registres, les ruptures de style passant de cascades égrenées au piano à des orages mugissants sur les cordes des violons, des glockenspiels en clochettes et un florilège de percussions, marimbas, wood blocks, vibraphones. Des passages sortent en direct de la fosse, la plupart sont amplifiés. Chaque personnage, chaque épisode a son habit sonore. L’ensemble gagnerait sans doute à trouver un fil rouge conducteur, il y a des rengaines et des comptines mais on aimerait qu’elles se laissent fredonner sur un pas de danse. Les textes fusent dans un langage clair, entrecoupé çà et là de phrases anglaises. Les sur-titrages au soir de la première, étaient parfois confus. A la tête de l’ensemble instrumental Ars Nova, Philippe Nahon électrise ses musiciens en bonds et rebonds tantôt farceurs, tantôt mélancoliques.

Des plus farfelus aux plus poétiques

La mise en scène enchaîne sans temps morts les tableaux des plus farfelus aux plus poétiques. Les lumières de Laurent Castaing, les vidéos d’Etienne Guiol balaient la scène et même parfois la salle. Le public est invité à participer au cour d’un faux entracte. Chanteurs, comédiens acrobates forment le peloton des aventures. A l’exception de Nemo enfant, tous interprètent plusieurs personnages. Nemo adulte par le baryton Richard Rittelmann manque encore de volume et d’autorité mais quand il devient le vilain Flip, sa voix devenue sarcastique trouve une ampleur adaptée. Hadhoum Tunc, soprano ne craint guère les aigus les plus pointus en fée ou en princesse, Bertrand Bontoux tout en rondeurs de basse passe du roi Morphée à Lunatrix le souverain de la lune. Cyril Rabath, danseur et acrobate bondit et chante en faisant papillonner le sucre d’orge qui lui sert de canne.

Petite de taille, grande de voix, Chloé Briot se glisse avec l’agilité d’un gamin dans la peau de Nemo enfant. Elle fut un adorable Yniold de Pelléas et Mélisande sur cette même nantaise (voir WB 4071 du 28 mars 2014). Mezzo au timbre clair et à la diction perlée, elle fait de ce Nemo flâneur, un gosse charmeur pétri de curiosité et d’effronterie.

Le spectacle s’adresse, précise le programme, aux spectateurs à partir de 7 ans d’âge. A tous les autres, même largement grisonnants, il fait retrouver le monde enchanté des contes et des légendes.

Little Nemo de David Chaillou, livret d’Olivier Balazuc et Arnaud Delalande d’après Little Nemo in Slumberland de Winsor McCay. Ensemble instrumental Ars Nova, direction Philippe Nahon, chœur d’Angers Nantes Opéra, direction Xavier Ribes, mise en scène Olivier Balazuc, décors et costumes Bruno de Lavenère, lumières Laurent Castaingt, vidéo Etienne Guiol, son Christophe Hauser. Avec : Chloé Briot, Richard Rittelmann, Hadhoum Tunc, Bertrand Bontoux, Florian Cafiero, Cyril Rabbath, Vincent Clavaguera-Pratx .

En coproduction avec l’Opéra de Dijon

Nantes - Théâtre Graslin. Pour tout public les 14, 18, 21 janvier à 20h, en temps scolaire, les 16, 17, 19, 20 janvier à 9h30 et 14h30
02 40 69 77 18
Angers – Grand Théâtre. Tout public, les 22 & 24 mars à 20h, en temps scolaire, les 21 et 23 mars à 9h30 et 14h30
02 41 22 20 20

Photos Jeff Rabillon

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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