Les Francophonies en Limousin à Limoges

les artistes d’abord

Les Francophonies en Limousin à Limoges

Ils sont dramaturges, chorégraphes, musiciens, comédiens, danseurs, artistes venus de Belgique, de Suisse, du Québec, de Tunisie, du Congo, du Burkina-Faso et cœur battant de cette 34ème édition des Francophonies (20-30 septembre).
Un festival qui fait de Limoges une terre de partage et de réflexion, un haut lieu où s’hume l’air du temps sur tous les tons et registres et que dirige Marie-Agnès Sevestre depuis 2006. Entre celle-ci et la francophonie c’est affaire de virus contracté en 1989. Alors collaboratrice aux Editions Théâtrales, elle effectue un voyage au Québec pour établir des échanges entre auteurs français et québécois. Elle y découvre les miroitements et les saveurs d’une langue française ensemencée d’une autre culture. Un voyage au Maghreb « pour élargir son horizon littéraire » et la découverte « de la vitalité créatrice de cette région » achèvera de la convaincre du riche gisement qu’est la francophonie. Nommée directrice du Manège à Douai, elle créé Les Météores un Festival qui met à l’honneur la diversité de la langue française, manière de tour de chauffe d’une activité qui l’enthousiasme et la pousse, au départ de Patrick Le Mauff , à poser sa candidature à Limoges.

A la tête des Francophonies, Marie-Agnès Sevestre femme de passion et de conviction réussit le tour de force, et ce n’est pas anodin, d’ajouter quelques belles zébrures au Zèbre, symbole du festival, et de faire face aux restrictions budgétaires qui l’ont contrainte à réduire la voilure du festival passé de 13 à 10 jours. « Non seulement le manque à gagner de la suppression, en 2009, des subventions des Affaires étrangères n’a pas été comblé, mais celles du ministère des Affaires culturelles stagnent depuis lors », ce qui par rapport à l’augmentation du coût de la vie représente une érosion budgétaire de 2% par an. « Ayant moins de moyens pour la création, ce sont les artistes qui sont pénalisés » estime la directrice du festival pour qui dans le contexte culturel d’aujourd’hui, « avant la défense de la langue française ce qui prime c’est l’artiste ». C’est-à-dire favoriser, soit en passant commande, soit par des résidences d’auteurs, la création des œuvres et que ce soit une aventure partagée avec le public.

Les nuances des humeurs de nos jours

Déployée en une vingtaine de spectacles de théâtre, danse, de performances et de concerts, la palette de cette édition propose « toutes les nuances de l’humeur de nos jours » et se tisse de retrouvailles et de découvertes. Parmi celles-ci, encore jamais venu à Limoges l’auteur de la République démocratique du Congo, Fiston Mwanza Mujila à l’écriture qui va comme un raz de marée et emprunte à la verve d’un Jérôme Bosch. Son roman adapté et mis en scène par Julie Kretzschmar, Tram 83 qui se veut le portrait de Lubumbashi la ville natale de l’auteur, est un précipité chaotique et poétique, une odyssée brinquebalante dans ce chaudron urbain qu’est Tram 83, un bar « dans lequel se rassemblent tous les espoirs, les interrogations, les libertés et les colères d’un monde qui se dérègle ». Tandis que le congolais nous plonge dans des univers électriques et hallucinés, l’auteur belge Jean-Marie Piemme familier de nos scènes, nous interpelle autour des temps utopiques et de l’héritage de l’après mai 68 (Eddy Merckx a marché sur la lune). Autre belge invité et pas des moindres, Josse de Pauw, haute figure de la création flamande et artiste protéiforme qui fourbit des spectacles qu’il appelle « concerts dramatiques ». L’Humanité et Les Héros , présentés à Limoges sont les deux premiers volets d’une trilogie qui interroge l’homme confronté aux décisions ultimes de son destin et se demande si aujourd’hui, à l’heure du langage promotionnel, il peut exister des héros et s’il est nécessaire d’en avoir. De héros aussi il est question avec Papa Wamba, le singe avait raison du congolais Dieudonné Niangouna qui propose là un spectacle débridé aux allures de performance.

Puisque l’humour et le rire peuvent être d’excellents tremplins de réflexion, les Francophonies se devaient de mettre à l’affiche « Rumeur et petits jours » concocté par le Raoul Collectif, une équipe de comédiens musiciens belges champions de l’autodérision. Sous le prétexte d’une émission de radio annulée et sous le parapluie de Michaux, de Guy Debord et quelques autres, le Raoul Collectif dézingue avec impertinence et pertinence l’idéologie du libéralisme et épingle les stéréotypes qui nous servent à penser.

La Tunisie sous le regard de ses artistes

Parce que pour elle « la danse est peut-être aujourd’hui l’expression la plus puissante pour témoigner des violences et des combats de nos temps », Marie Agnès Sevestre lui fait une large place dans cette édition avec la présence notamment des chorégraphes à renommée internationale tels : le burkinabé Serge- Aimé Coulibaly (Kalakuta Republik), le congolais DeLaVallet Bidiefono (Monstre, on ne danse pas pour rien), le français Georges Appaix (Vers un protocole de conversation ?). A l’affiche également, programmées dans différents lieux et en plein air, deux performances danse de Seifeddine Manaï qui appartient à la jeune génération de la danse contemporaine tunisienne.
La Tunisie, berceau du Printemps arabe mais où, aujourd’hui, « se joue une étrange partie qui n’en finit pas de briser la société » et sur laquelle le festival braque ses projecteurs pour nous la donner à voir autrement que par le biais des infos mais par les yeux de ses artistes. Une plongée dans la société tunisienne à travers le croisement de spectacles de théâtre, danse, musique, exposition, de tables rondes et le mélange des générations d’artistes. Parmi ceux-ci, présents avec deux spectacles : « Violence(s) » et « Peur(s) » Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi du Théâtre National de Tunisie « qui sont depuis des années les observateurs intransigeants de leur pays ».

Le jeune public aussi

Histoire de parfaire et augmenter ses zébrures, Les Francophonies s’engagent dorénavant dans la création en direction de la jeunesse avec pour cette année, La Loi de la gravité de l’auteur québécois Olivier Sylvestre dans une mise en scène d’Antony Thibault , jeune metteur en scène de la Nouvelle- Aquitaine et dont il a été conçu une version « mobile » destinée à tourner dans les établissements scolaires. « Encourager les rencontres d’artistes français avec les auteurs francophones, tisser des liens d’amitié et de collaboration entre artistes au-delà les frontières est le rôle auquel nous tenons » affirme Marie-Agnès Sevestre qui dédie cette 34ème édition des Francophonies à Armand Gatti, « parce que dans le Limousin dans le maquis de la Berbeyrolle, sont nés les personnages de son théâtre, et parce que ce griot de la langue française comme le qualifie Gabriel Garran reste un arbre vivant au centre de la cité , un immense repère ».

Les Francophonies en Limousin à Limoges 20-30 septembre
www.lesfrancophonies.fr

Photos « Tram 83 »© Didier Nadeau, « l’Humanité » ©Kurt-van-del-Elst

A propos de l'auteur
Dominique Darzacq
Dominique Darzacq

Journaliste, critique a collaboré notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution, TFI. En free lance a collaboré et collabore à divers revues et publications : notamment, Le Journal du Théâtre, Itinéraire, Théâtre Aujourd’hui....

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