Le mal du hérisson de Thomas Dubot
On provoque comme on peut
À l’origine de ce spectacle, un très ancien conte slave qui traite le fait que, pour les hérissons, se rapprocher les uns des autres afin de se réchauffer, engendre, paradoxalement, l’inconvénient inéluctable de se piquer mutuellement. Le collectif Greta Koetz s’en est emparé pour effectuer un travail théâtral.
Cela se traduit par une série de séquences au sein desquelles se créent des personnages rassemblés dans un lieu de soins. Tous ont été blessés par la vie puisque arborant chacun pansement, malformation, cicatrice ou blessure. Ces individus s’avèrent porteurs de difficultés de compatibilité aigües. Ils vont donc tenter sous diverses façons de communiquer entre eux, de tisser des liens, de vivre ensemble. C’était déjà le thème principal d’une des précédentes productions de la troupe : « On est sauvage comme on peut ».
Puisque ce sont les bizarreries comportementales qui importent, le jeu dramatique se nourrit d’éléments décalés par rapport à la réalité ordinaire. Il y a du comique dans l’air, des disjonctions relationnelles, des caricatures poussées au vif, des gags amusants. Sans parvenir à éviter cette ambiguïté essentielle : très vite s’installe la confusion entre une réalité médicale nullement comique liée à la maladie et une recherche de décalage corporel et vocal inscrite dans une réalisation burlesque.
« Le mal du hérisson » n’est pas sans rappeler certaines réalisations délirantes et provocatrices de la troupe Clinic Orgasm Society ou de Les Chiens de Navarre. Manifestement les comédiens se sont fait plaisir, se font encore plaisir en mêlant texte et impro, jeu avec accessoires divers dont un fusil à effets spéciaux, usage d’instruments de musique dont un très débonnaire tuba blanc. Les acteurs devenant aussi, parfois, musiciens ou chanteurs.
Même si une esquisse de mise en abime est censée très tôt considérer le public en salle comme un partenaire potentiel, les échanges avec lui sont plutôt ténus. Ce qui se déroule sur le plateau se regarde avec quasi un œil d’entomologiste. Tant et si bien que le seul moment véritablement théâtral - au sens d’une transmission entre interprètes et spectateurs - est celui où, abandonnant son personnage, un membre du collectif nous raconte son intime perception du ‘Stabat Mater’ de Pergolèse. Sorte de parenthèse intimiste dépouillée de tout effet caricatural, moment privilégié, intense, révélateur.
Quant au reste, on décèle mal la signification de tel ou tel signe scénique qui donnerait à une intrigue plutôt floue une vraie raison d’être. Peut-être, vers la fin, l’installation musclée d’un couronnement hétéroclite au sommet du totem planté sur le plateau pourrait-elle indiquer une représentation sans cesse au bord de capoter, dont l’équilibre, autant que celui des personnages, est précaire. Et situer l’action dans les années 1930, lors de la guerre civile espagnole, donne l’impression d’être un stratagème pour évoquer la destruction de la Palestine par les Israéliens.
24.09 > 05.10.2024 Les Tanneurs Bruxelles
08 > 10.10.2024 Le Manège Mons
Mise en scène, écriture : Thomas Dubot ; Jeu, écriture : Marie Alié, Marie Bourin, Antoine Cogniaux, Sami Dubot, Antoine Herbulot, Alice Laruelle, Nicolas Payet, Léa Romagny ; création musicale : Sami Dubot ;Création lumière : Nicolas Marty ; création sonore : Benoit Pelé ; organisation technique : Nicolas Marty, Benoit Pelé ; coordination de production : Edgar Martin ; assistanat à la mise en scène : Simon Hardouin ; costumes : Rita Belova ; scénographie : Claire Farah, Clara Dumont, Nicolas Marty, Benoit Pelé ; production, diffusion : Collectif Greta Koetz & Prémisses ; coproduction : Théâtre Les Tanneurs (Bruxelles), MARS (Mons), Centres culturels (Bertrix ; Chênée) ; photo © Annah-Schaeffer