Jusqu’au 13 avril 2025 à la Salle Richelieu de la Comédie-Française.
Le Soulier de satin de Paul Claudel par Eric Ruf.
Un magnifique drame d’amour long de trente années.

Jean-Louis Barrault crée en 1943 dans Salle Richelieu de la Comédie-Française Le Soulier de satin de Paul Claudel dans une version réduite. Et Antoine Vitez, ancien administrateur de la Maison de Molière, dirige la pièce dans sa quasi-intégralité dans la cour d’Honneur du Palais des Papes, la nuit durant jusqu’au petit matin, au Festival d’Avignon 1987, rêvant de la reprendre au Français quand la mort le prit.
Pour Eric Ruf, metteur en scène et scénographe inspiré, actuel administrateur sur le point d’achever son mandat pour un parcours sans faute, la pièce de Claudel est emblématique, un idéal d’écriture et de mise en scène, une aventure théâtrale exceptionnelle pour les comédiennes et comédiens autant que pour le public.
L’Œuvre-monde est un drame d’amour traversant trente années, dont l’écriture s’étend de 1918 à 1924, composé de quatre journées. Le regard de l’auteur est autobiographique signifiant l’apaisement, la résolution et la conclusion d’une passion amoureuse que Partage de midi évoquait déjà en 1905. L’époque ici est celle de la Renaissance espagnole et de la conquête du Nouveau Monde, aux mains des conquistadors lors des navigations sur des mers peu connues. L’amour est absolu et non réalisé entre Rodrigue et Doña Prouhèze - épouse du gouverneur Don Pélage - : le désir ne consent aux limites, traverse le corps, le temps, l’espace.
Le Soulier de satin est un itinéraire spirituel invitant le spectateur à une réflexion intérieure avec le désir comme grande loi du monde, un théâtre en mouvement. Cruel, inouï, exigeant, sans recours, le désir impérieux ne supporte l’entrave, une force irrépressible se dressant contre les tentatives de domination que sont les événements de la pièce. Ce désir est à l’origine des conquêtes des deux héros jusqu’à l’explosion finale de Prouhèze à Mogador ou l‘humiliation de Rodrigue sous le vent des îles Baléares qui choisit de se démunir - une figure à la Beckett.
La langue claudélienne particulièrement éloquente est encline à l’écoute du coeur, décidée et sonore, versée aussi dans les échanges philosophiques et existentiels, les images poétiques, les métaphores littéraires concernant la nature, les paysages célestes, les étoiles et la mer. L’amour est une âme, une joie que rien n’entame - vague qui emporte -, s’ajustant avec grâce à l’ordre et au désordre mêlés, à l’éblouissante profusion baroque des tableaux et discours d’une aventure intérieure et l’exploration d’un destin. (Xavier Tillette « Théâtre de Claudel », cité par Michel Autrand dans sa Préface au Soulier de satin, Folio Théâtre, Gallimard, 1997)
L’aventure scénique du Soulier de satin par Eric Ruf qui emmène avec lui la troupe de la Comédie-Française est heureuse, conviviale et festive, sur le plateau dénudé et noir de la Salle Richelieu, donnant à voir les comédiens vêtus majestueusement de costumes colorés de Christian Lacroix, théâtralité pertinente face à l’espace nu.
Une toile sur le lointain expose les mouvements du firmament entre violences des tempêtes, nuages flottants sur un ciel bleu tandis que sur la scène se font entendre les cliquetis métalliques du bastingage des navires des conquérants, petites miniatures de bois posées sur une table, dont la houle fait monter et descendre au gré des flots l’embarcation dans laquelle se trouvent les marins partis en croisades.
De la scène a la salle entière, un ponton d’où l’on voit les acteurs en majesté, au plus près du public, alors que sur le mur de lointain surgissent des icônes religieuses, dont l’une représentant Marie, à laquelle est suspendue le fameux soulier rouge de satin, alors que sur le plateau s’animent des scènes de groupes sous des éclairages tamisés - rappels des bougies -, comme issues de tableaux de maîtres - conseils d’administrateurs du Roi et de justice, repas de Grands, et les scènes fondatrices entre les deux amants, à chaque fois séparés. Sans oublier le rôle des annonciers qui présentent les journées, les comédiens endossant plusieurs rôles. Nous les citons tous, près des musiciens, Alain Lenglet, Florence Viala, Coraly Zahonero, Laurent Stocker, Christian Gonon, Serge Bagdassarian, Suliane Brahim, Didier Sandre, Christophe Montenez, Dominique Blanc, Marina Hands, Danièle Lebrun, Birane Ba, Sefa Yeboah, Baptiste Chabauty, Edith Proust.
Ils forment un chœur vivant auquel le public adhère, tous embarqués sur la même aventure maritime et théâtrale, montrant leur plaisir à jouer et à interpréter, chacun composant un grain du chapelet de la mise en scène - les belles retrouvailles d’un théâtre littéraire et scénique qui souligne tant le verbe que l’incarnation des êtres.
Le Soulier de satin de Paul Claudel, version scénique, mise en scène et scénographie Éric Ruf, avec la troupe de la Comédie-Française Alain Lenglet, Florence Viala, Coraly Zahonero, Laurent Stocker, Christian Gonon, Serge Bagdassarian, Suliane Brahim, Didier Sandre, Christophe Montenez, Dominique Blanc, Marina Hands, Danièle Lebrun, Birane Ba, Sefa Yeboah, Baptiste Chabauty, Edith Proust de l’académie de la Comédie-Française
Fanny Barthod, Rachel Collignon, Gabriel Draper, Aurélia Bonaque Ferrat et les musicien et musiciennes Vincent Leterme, Merel Junge, Ingrid Schoenlaub. Costumes Christian Lacroix, lumière Bertrand Couderc, direction musicale Vincent Leterme, son Samuel Robineau de l’académie de la Comédie-Française, travail chorégraphique Glysleïn Lefever. Du 21 décembre au 13 avril 2025, de 15h à 23h30 Salle Richelieu de La Comédie-Française. Place Colette Paris 1er, comedie-francaise.fr Entre 65 et 85 places à 5 euros (visibilité réduite) sont disponibles une heure avant le début de la représentation auprès du Petit Bureau (guichet extérieur rue de Richelieu). Tous les lundis, Salle Richelieu, 85 places sont offertes aux moins de 28 ans, une heure avant le début de la représentation, (1 place à visibilité réduite par personne, sur justificatif, dans la limite des places disponibles) auprès du Petit Bureau. Avec le mécénat de la Caisse d’Epargne Ile-de-France. Ouverture des ventes en janvier pour les représentations de mars et avril.
Crédit photo : Jean-Louis Fernandez.