Critique – Opéra et Classique

Le Nozze di Figaro de Wolfgang Amadeus Mozart

Barcelone joue de malchance avec le mariage de Beaumarchais et Mozart

Le Nozze di Figaro de Wolfgang Amadeus Mozart

Le Liceu a repris «  Le nozze di Figaro » dans la mise en scène de Lluís Pasqual, dont nous avons dit tout le « bien » que nous en pensions (voir WT du 28 novembre 2008). Nous nous inclinons de nouveau devant l’élégance des robes créées pour l’occasion par Franca Squarciapino, mais nous réitérons aussi nos doutes et même nos critiques pour le changement d’époque décidé par le metteur en de scène, qui nous a empêché d’appréhender à sa juste valeur le terrible problème social mis en avant par Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais.

Un deuxième regard sur le travail du metteur en scène (ou de ses assistants ?) nous a permis de découvrir la constante dérision affichée par les chanteurs au regard des personnages et des situations dramatiques proposés par la pièce originale.
Ajoutons que les chanteurs, en position très avancée sur scène, chantant donc systématiquement face au public, ont totalement effacé la force dramatique des dialogues. Même les monologues ont perdu de leur émotion puisque le chanteur, partageant avec le public ses désirs ou ses doutes, ne se retrouvait plus seul face à lui-même. La salle a sans doute ri à certains moments, mais ces rires n’applaudissaient ni le librettiste, ni le compositeur, ni le chef, ni l’orchestre, ni les chanteurs, ni le metteur en scène mais simplement la situation dramatique divertissante créée par l’ineffable Beaumarchais.

Un orchestre à la remorque d’un chef aux abonnés absents.

Et puisque un malheur n’arrive jamais seul, voici que le chef, totalement penché sur la partition, qu’il avait l’air de découvrir, a beaucoup négligé ses musiciens et totalement abandonné les chanteurs. Josep Pons, tout comme Antoni Ros-Marbà jadis (voir WT du 28 novembre 2008) a montré une incapacité majeure de communication avec la musique de Wolfgang A. Mozart. Dès l’ouverture –sèche comme un coup de trique- on a senti une lecture digne d’un big-band de caserne militaire. Par la suite, les musiciens privés du regard de Josep Pons, ont essayé d’aller dans une meilleure direction, évitant autant que possible de suivre les impérieux mouvements de bras du chef, dignes d’un tableau de gymnastique suédoise d’antan.

Les voix avec quelques plus et beaucoup de moins.

Kyle Ketelsen –Figaro- n’a pas beaucoup progressé depuis sa prestation du rôle en 2008, que nous avions justement saluée alors. Se trouvait-il en désaccord avec ses nouveaux partenaires –en 2008 le conte était joué par un certain Ludovic Tézier-, ou alors aurait-il atteint la limite de ses possibilités ? En tout cas s’il a bien donné vocalement ce que l’on pouvait attendre de lui –mais pas davantage-, il a régressé du point de vue dramatique, rendant désormais peu crédible le personnage. Gyula Orendt –Almaviva- aura lui aussi été peu crédible par le côté mièvre de son chant totalement dépourvu d’autorité et de veulerie ; le personnage puissant et désagréable voulu par l’histoire devenant ici quelqu’un sans caractère, fruste, petit. Valeriano Lanchas a été un Bartolo déclamatoire à l’excès, mais distrayant ; José Manuel Zapata un Basilio amusant, Viçens Esteve Madrid un Don Curzio presque inaudible et Roberto Accurso a campé un Antonio inattendu, sautillant comme une petite chèvre sortie d’une hypothétique planète visitée par le Petit Prince.

Les cantatrices ont fait un peu mieux

Par bonheur les filles ont fait un peu mieux, un peu seulement. A commencer par Anett Fritsch –la Comtesse- qui a réussi sans aucun doute son intervention au troisième acte : « Ove sono.. ». Le public a applaudi alors pour la première fois de la soirée. Elle a donné clairement l’impression désagréable d’avoir travaillé le sublime morceau à la recherche de l’applaudissement, se moquant du travail d’équipe que suppose une pièce comme « le nozze ». Ses récitatifs, comme ceux de ses collègues ont été inexpressifs, sans âme. Tous les artistes donnaient l’impression de s’ennuyer énormément sur scène.

La faiblesse de l’émission et la mièvrerie du ton employé par Mojca Erdmann dans son premier dialogue avec Figaro, ont fait craindre le pire au sujet de l’interprétation du personnage de Susanna. Fort heureusement elle a corrigé progressivement ses défauts et a fini par donner le niveau vocal et émotionnel que le personnage de la femme de chambre méritait. Maria Ricarda Wesseling a joué Marcellina avec conviction, l’artiste se demandant de temps à autre cependant ce qu’elle était venue faire dans cette galère. Rocío Martínez a joué Barbarina avec une voix flexible, légère et vivace, comme il convenait au rôle. Au bénéfice du doute, ne tenons pas rigueur à Anna Bonitatibus pour sa piètre performance –vocale et dramatique- du sympathique valet Querubino.
Tout le monde peut rater une représentation. Même autant que cela.


Le Nozze di Figaro Commedia per musica en quatre actes, livret de Lorenzo Da Ponte basé sur la pièce « Le mariage de Figaro » de Pierre Agustin Caron de Beaumarchais. Production Gran Teatre del Liceu et Welsh National Opera. Mise en scène de Lluís Pasqual. Décors de Paco Azorín. Direction musicale de Josep Pons. Chanteurs : Gyula Orendt, Anett Fritsch, Mojca Erdmann, Kyle Ketelsen, Anna Bonitatibus, Maria Riccarda Wessenling, Valeriano Lanchas, José Manuel Zapata, Viçens Esteve Madrid, Rocío Martínez, Roberto Accurso.

Gran Teatre del Liceu (avec cette distribution) les 7, 12, 14, 16, 19 novembre 2016.

http://www.liceubarcelona.com exploitation@liceubarcelona.cat
Téléphone 902 53 33 53 +34 93 274 64 11 (International)

Photos Antoni Bofill

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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