Barcelone en Espagne - Gran theatre del Liceu - du 11 au 30 novembre 2008

Le Nozze di Figaro de W. A. Mozart

Même Mozart peut être ennuyeux

Le Nozze di Figaro de W. A. Mozart

Même Mozart peut être très ennuyeux. Antoni Ros-Marbà l’a brillamment prouvé au Liceu de Barcelone. Son tempo langoureux a endormi l’auditoire au point que les applaudissements, si fréquents dans ce théâtre, ont été maigres et peu chaleureux. Accessoirement le maestro a aussi prouvé que le pouvoir se trouvait bien à la pointe de sa baguette car, à l’exception de Ludovic Tézier et de Kyle Ketelsen qui ont été capables d’imposer leur propre tempo, les autres chanteurs sont restés totalement tributaires de sa molle volonté.

Lluís Pasqual, metteur en scène qui fut un temps directeur du Théâtre de l’Odéon-Théâtre de l’Europe à Paris, a situé l’histoire dans les années trente dans un pays indéterminé qui pourrait être la France, et peut-être même la Sologne où Jean Renoir plaça ses maîtres et ses valets dans l’immense film « La règle du jeu ». Un parti-pris qui fut pain béni pour Paco Azorín – son décor est stylisé et de grand classe -, et pour Franca Squarciapino qui a élaboré une collection de vêtements d’un raffinement rare.

Perte de sens et contresens

« La seule façon de se rapprocher d’une œuvre du passé est de comprendre la distance qui nous sépare de son époque », constate Jean Louis Martinoty metteur en scène français qui a également monté ces Noces mozartiennes. L’exercice est difficile il est vrai car les bases historiques manquent au public - et fréquemment aussi au metteur en scène lui-même -. Ainsi souvent les metteurs en scène, au lieu d’aider le public à explorer le moment historique de l’œuvre, la situent à un moment chronologiquement plus proche de lui. La perte de sens peut alors être considérable, jusqu’au contresens parfois notamment dans les oeuvres fort contenu social comme justement ces Noces.

Transposer donc cet opéra aux années 1930 fausse les relations existaient entre maîtres et valets à la fin du XVIIIème siècle et transforme le sulfureux pamphlet de Beaumarchais en une comédie de boulevard. Pour le reste, le metteur en scène ne fut pas à la hauteur de sa renommée. Sa direction d’acteurs fut morne et sans imagination, hésitant constamment entre sa vision propre et la résignation à regrouper les chanteurs à l’avant-scène pour qu’ils puissent chanter sans gêne leurs arias, duos, trios ou quatuors. Au point de demander à Valeriano Lanchas – Antonio vocalement irréprochable- de se déhancher au rythme de la musique pour faire sourire le public.

Des applaudissements très tièdes

Lors de la représentation du 28 novembre seuls Kyle Ketelsen /Figaro élégant et racé et Ludovic Tézier en Comte dont la gestuelle fut bien plus raffinée que ses intentions - ont tiré leur épingle du jeu sans pour autant montrer une conviction totale avec ce qui se passait sur la scène. Emma Bell fut une Comtesse très élégante et acceptable du point de vue dramatique, mais vocalement pâle même si elle réussit parfaitement deux attaques d’anthologie (« Dove sono.. ») et que son léger vibrato ne dérangea aucunement l’écoute de cette aria. Sophie Koch, n’a pas choisi la bonne production pour chanter Cherubino pour la dernière fois ; elle a interprété ses deux chansons sans grande conviction et seule « Voi che sapete » reçut des applaudissements, très tièdes du reste. Ofèlia Sala, dont la voix est bien trop légère pour donner la mesure du rôle de Susanna, fut mal dirigée au point d’apparaître, non pas comme la hautaine et incisive bonne à tout faire des marquis, mais plutôt comme la « gourde de service » de la maison.

Le Nozze di Figaro, « Commedia per musica » en quatre actes, livret de Lorenzo Da Ponte basé sur la pièce « Le mariage de Figaro » de Pierre Augustin Caron de Beaumarchais. Production Gran Teatre del Liceu et Welsh National Opera. Mise en scène de Lluís Pasqual. Décors de Paco Azorín. Direction musicale de Antoni Ros-Marbà. Chanteurs : Emma Bell, Ofèlia Sala, Sophie Koch, Ludovic Tézier, Kyle Ketelsen, Marie Mc Laughlin, Friedemann Röhlig et autres.

Gran Teatre del Liceu les 11, 13, 14, 16, 17, 18, 21, 22, 24, 25, 26, 28, 29, 30 novembre 2008.

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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