Le Dépeupleur de Samuel Beckett
Etincelles dans la nuit
Texte incroyable que ce Dépeupleur que Beckett écrivit en 1970, comme une œuvre littéraire et non comme un texte de théâtre ! Les premières lignes en indiquent la quête et la trajectoire : « Séjour où des corps vont cherchant chacun son dépeupleur. Assez vaste pour permettre de chercher en vain. Assez restreint pour que toute fuite soit vaine. C’est l’intérieur d’un cylindre surbaissé ayant cinquante mètres de pourtour et seize de haut pour l’harmonie. » Ce ne seront que des scènes de survie, l’être humain étant réduit à quelques dernières vibrations.
On a vu plusieurs fois ce texte sur scène. David Warrilow et Michel Didym nous en donné des versions mémorables, où l’espace semblait dévorer le personnage. Cette nouvelle version Françon-Merlin est une vision miniature. Le cylindre imaginé par Beckett n’est plus le cadre de l’action, mais, dessiné par Jacques Gabel, une sorte de cirque miniature au centre d’une scène vide. Dans ce cratère de minuscules figurines – peu visibles, cela dépend de la place où l’on est – représentent l’humanité errante et survivante. Une fois instauré ce climat, Françon confie toute la charge de l’évocation à Serge Merlin qui tourne autour du cercle. Ce très grand acteur est peut-être plus fait pour Thomas Bernhard (où il est grandiose) que Beckett, face auquel il demeure très étonnant mais moins adapté à cet univers nocturne. L’exercice monologué a les limites de l’exercice littéraire mais, avec Merlin, n’en est pas moins traversé d’étincelles.
Le Dépeupleur de Samuel Beckett, mise en scène d’Alain Françon, scénographie et costume de Jacques Gabel, lumières de Joël Hourbeigt, avec Serge Merlin.
Les Déchargeurs, 21 h 30 du lundi au samedi jusqu’au 1er octobre, ensuite, du 3 octobre au 19 décembre, seulement le lundi, tél. : 01 42 36 00 50. Deux représentations au Théâtre des Halles, Avignon, les 11 et 12 novembre.
Photo iFou.