La couleur des souvenirs de Fabio Marra.
Talents et esthétisme pour une peinture familiale émouvante.
La couleur des souvenirs de Fabio Marra débute par un dispositif scénique impressionnant qui introduit finement un des éléments importants de la pièce. Sur de grands écrans, sont projetées des lettres qui dansent et progressivement s’effacent…. Puis nous découvrons, dans son atelier poussiéreux et envahi de toiles Vittorio, le cou enserré dans une minerve. Installé à une table il termine de lire avec une loupe un polar. Vittorio est un peintre qui n’expose pas ses œuvres et se livre à une activité de faussaire qui nous est révélée par la visite de Marco, un marchand d’art malhonnête, qui vient chercher une toile. Le peintre est criblé de dettes et dépend totalement de la générosité de sa sœur Clara qui continue de l’aider malgré les remarques désagréables qu’il lui adresse. Il est tout aussi odieux avec son fils Luca qui vient pour prendre de ses nouvelles suite à son hospitalisation. Inquiet pour la santé de son père, Luca le convainc de passer des examens qui révèlent qu’il est atteint de DMLA (dégénérescence maculaire). Avant de perdre totalement la vue Vittorio se lance dans la falsification d’un Modigliani !
Fabio Marra poursuit dans cette pièce son exploration des relations familiales difficiles et compose des personnages complexes. Progressivement, la personnalité de Vittorio interprété magistralement par Dominique Pinon, se dessine et révèle derrière son attitude acariâtre, un homme profondément meurtri. Les non-dits, les souvenirs d’enfance douloureux refont surface et enrichissent notre compréhension du personnage. Face à Vittorio, Catherine Arditi donne au personnage de Clara une force et une énergie imperturbables. Véritable moulin à paroles, elle s’impose avec tendresse auprès de son frère.
La communication entre parents et enfants apparaît aussi difficile au sein de cette famille. Ainsi Emma, interprétée par Floriane Vincent, choisit de partir s’installer à l’étranger pour échapper à sa mère Clara un peu trop directive, et Luca n’a pas vu son père depuis l’enfance. Fabio Marra interprète avec beaucoup de justesse le rôle de Luca, le fils timide, maladroit et animé d’une tendresse infinie pour son père. Sonia Palau donne à Silvia, la mère décédée de Vittorio et Clara, l’attitude discrète et maternelle qui convient à l’image onirique que Vittorio s’est faite de sa mère. Enfin, Aurélien Chaussade fait de Marco un escroc absolument abject.
La scénographie d’Audrey Vuong et le travail de la vidéo sont particulièrement soignés, impressionnants et participent efficacement à la progression dramatique de la pièce. Le travail sur l’espace qui s’élargit à mesure que Vittorio perd la vue et les projections de toiles sur les écrans renforcent le caractère émouvant de cette histoire. Les costumes d’Alice Touvet sont aussi en accord parfait avec le caractère ou les activités des personnages.
La couleur des souvenirs est une véritable réussite grâce à l’harmonie parfaite entre la scénographie, la vidéo, les costumes, la musique et le talent des comédiens. Un moment de théâtre magistral à ne pas manquer.
La Couleur des souvenirs de Fabio Marra
Mise en scène : Fabio Marra
Avec Dominique Pinon, Catherine Arditi, Fabio Marra, Sonia Palau, Floriane Vincent, Aurélien Chaussade
Scénographie : Audrey Vuong
Construction scénographie : Ateliers Décors Claude Pierson et Devinot
Création costumes : Alice Touvet
Création Lumières : Kelig Le Bars
Musiques : Claudio Del Vecchio
Accessoires : Dimitri Lenin
Création Vidéo : Antonio Carola, Denis Parrot, Italo Scialdone, Jean Ledieu
Création sonore : François Galarneau
Tableaux : Pasquale Mascoli et Alexander
Crédit / Copyright : Didier Philispart
Festival Off Avignon jusqu’au 26 juillet, à 21H30, durée 1h30
Théâtre des Halles, rue du Roi René, 84000 Avignon