La Tempête de William Shakespeare

Un spectacle très cérébral

La Tempête de William Shakespeare

Si déroutante soit-elle, la mise en scène de La Tempête par Robert Carsen, grand spécialiste d’opéra, propose une lecture radicale et inédite de l’œuvre de Shakespeare en bannissant la classique dimension merveilleuse, néanmoins présente par le texte mais sans traduction scénique réelle, telle que les choses peuvent se passer dans un rêve où tous les pouvoirs peuvent nous être accordés avec le plus grand naturel. En effet, tout semble ici se passer dans la tête de Prospero, duc de Milan déchu, trahi, qui se retrouve sur une île inhabitée où il ourdira sa vengeance grâce aux pouvoirs d’Ariel, et finira par pardonner à ses ennemis le mal qu’on lui a causé. Le scénographe Radu Boruzescu a mis le plateau aux dimensions d’une boite, au fond de laquelle est projetée l’image d’un rivage sur lequel déferlent des vagues furieuses ; au centre un lit blanc où repose Prospero. Nous voici de plain-pied dans la tête du rêveur, rêve éveillé, rêve à lecture psychanalytique. Ce parti-pris imprime une certaine froideur au spectacle tout en noir et blanc. Comme s’il avait pris la célèbre phrase de la pièce prononcée par Prospero, « Nous sommes faits de l’étoffe des rêves et notre vie est nimbée de sommeil », les personnages, tout incarnés qu’ils paraissent, ont la consistance diaphane des figures oniriques, tel cet Ariel, esprit aux allures angéliques joliment interprété par Christophe Montenez. Le couple d’amoureux formé par Ferdinand et Miranda (Loïc Corbery et Georgia Scalliet) est touchant d’innocence. Les comédiens triomphent avec élégance de la difficulté d’interpréter sans incarner leur personnage. Michel Vuillermoz exprime intensément la douleur et la déréliction de Prospero, tantôt magicien tantôt prince déchu dans la vraie vie. Le risque, pas vraiment déjoué, est de produire un spectacle cérébral qui ne laisse pas grande place à la poésie et au rêve, justement.

La Tempête de William Shakespeare, traduction Jean-Claude Carrière, mise en scène Robert Carsen ; scénographie, Radu Boruzescu ; lumières, Robert Carsen et Peter Van Praet ; costumes, Petra Reinhardt ; vidéo, Will Duke ; son, Léonard Françon. Avec Thierry Hancisse, Jérôme Pouly, Michel Vuillermoz, Elsa Lepoivre, Loïc Corbery, Serge Bagdassarian, Hervé Pierre, Gilles David, Stéphane Varupenne, Georgia Scalliet, Benjamin Laverhne, Noam Morgensztern, Christophe Montenez, et les comédiens de l’académie de la Comédie-Française : Matthieu Astre, Robin Goupil, Alexandre Schorderet. A la Comédie-Française jusqu’au 21 mai 2018. Résa : 01 44 58 15 15.
www.comedie-francaise.com

photographie Vincent Pontet, coll. Comédie-Française

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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