Critique – Opéra et Classique

La Flûte enchantée de Wolfgang Amadeus Mozart

Mozart ré-enchanté par le cinéma

La Flûte enchantée de Wolfgang Amadeus Mozart

C’est une production qui depuis sa création en 2012 à Berlin a fait un tour du monde des institutions lyriques. Elle vient enfin de se poser sur les tréteaux de l’Opéra Comique de Paris où elle enchante et ré-enchante les publics de tous âges, à la façon de Tintin, de 7 à 77 ans… et largement plus.

Mozart y est revisité par le cinéma des années vingt, un virage en images pris par un trio de metteurs en scène anglo-allemands à l’imagination pétillante, Barrie Kosky, directeur de la Komische Oper de Berlin (où le spectacle fut créé) associé à Suzanne Andrade et Paul Barrit, créateurs et animateurs du Collectif 1927 qui coordonne spectacle vivant et séquences filmées.

De l’opéra testament de Mozart où féerie et philosophie se combinent en initiation à la sagesse, ils n’ont retenu que le féerique pour l’adapter aux jeux et à l’histoire du cinéma quand celui-ci était encore muet. Ainsi les dialogues parlés du livret de Schikaneder ne sont plus prononcés par leurs destinataires mais s’impriment en lettres blanches sur écran noir à la façon des intertitres de ce cinéma débutant. Dont les références se font une joyeuse course poursuite où acteurs et personnages se fondent l’un dans l’autre. Ainsi Buster Keaton s’attribue les humeurs de Papageno et Louise Brooks prête sa coiffure au carré à Pamina.

Pour tout décor, un mur blanc sur lequel vont s’imprimer et danser les images. Quelques portes au sol et en hauteur permettent aux protagonistes de s’installer, assis, debout, au cœur du défilé mouvant d’animaux, éléphants roses planants, canards jouets, singes sauteurs et un chat noir malin devenu inséparable compagnon de Papageno. La Reine de la nuit transformée en araignée griffue est vraiment méchante tandis que Sarastro en costume cravate et haut de forme prêche une sagesse plus pratique que spiritualiste.

La flûte, l’instrument ne ressemble pas aux flûtes de tradition, elle virevolte sous la forme d’une petite danseuse aux seins nus. Ses notes tourbillonnent en faisceaux. Elle sont de Mozart. Comme l’ensemble du spectacle qui le détourne pour le servir en s’amusant.

Les personnages et les chanteurs qui les incarnent apparaissent, disparaissent plif, plouf au gré des images, de la musique et des situations. En Papageno faussement désinvolte, le baryton Dominik Köninger s’est attribué la gestique et le chapeau de Buster Keaton, jeu délié et voix toute en douceur bonhomme, Tansel Akzeybeck transforme Tamino en petit bourgeois en smoking et nœud papillon, le timbre étroit presque frileux. Avec son allure de vampire à la Nosferatu, Johannes Dunz fait tournoyer les graves de Monostatos tandis que Wenwei Zhang offre à Sarastro les braises de son timbre de basse. Au rayon des femmes, Vera-Lotte Böcker offre une Pamina (alias Louise Brooks) mutine, charmeuse au timbre ample et aux aigus cristallins. Elle subjugue le public tout comme sa vilaine mère, reine de la nuit et araignée aux pattes croqueuses qui lance ses grands airs comme des défis en vocalises cosmiques. En costumes de bourgeoises des années vingt-trente, les trois dames (Nina Bernsteiner, Gemma-Coma Alabert, Nadine Weissmann) semblent commenter les rebondissements en observatrices piquées d’humour.

L’orchestre du Komische Oper sous la direction du chef allemand Kevin John Edusai fait exploser Mozart dès une galopante ouverture. Ils jouent Mozart, ou plutôt ils jouent avec Mozart, lui insufflent quelques déflagrations, s’attendrit sur deux Fantaisies au piano forte. Le rire et l’attendrissement, axes majeurs de la production, jaillissent également de la fosse.

La Flûte enchantée de W. A. Mozart, livret d’Emmanuel Schikaneder. Orchestre Komische Oper Berlin, chœur Arnold Schönberg Chor, direction Kevin John Edussi, conception, mise en scène Suzanne Andrade, Paul Barritt (collectif 1927), Barrie Kosky, décors et costumes Esther Bialas, lumières Diego Leetz. Avec (première distribution référée ci-dessus) : Vera Lotte-Böcker, Tansel Akzeybeck, Christina Paulitsi, Wenwei Zhang, Dominik Köninger, Johannes Duns, Nina Bernsteiner, Gemme Coma-Alabert, Nadine Weissmann …

Deuxième distribution, dates : voir www.operacomique.com

Opéra Comique les 6, 7, 8, 9, 10, 13 & 14 novembre à 20h, le 12 novembre à 15h.

+33 825 01 01 23

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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