La Cenerentola de Gioacchino Rossini

Des cendres transformées en paillettes d’or

La Cenerentola de Gioacchino Rossini

L’Orchestre de l’Opéra de Reims a créé une superbe surprise en nous offrant une interprétation raffinée, fidèle et brillante de La Cenerentola. Cet opéra est certes facile et agréable à écouter mais il est aussi rempli de pièges –les changements de rythme en particulier- comme la plupart des œuvres de Gioacchino Rossini.

Ce que des directeurs reconnus, face à des grands orchestres, n’arrivent pas à réaliser parfois (voir l’article de Caroline Alexandre 3066 du 1 décembre 2011), le jeune madrilène José Miguel Pérez-Sierra, inconnu en France pour le moment, en orfèvre docte et efficace, l’a pleinement obtenu avec une facilité déconcertante. Fin connaisseur de la partition et de l’œuvre de Gioacchino Rossini en général –il a été assistant d’Alberto Zedda-, il n’a pas eu la moindre difficulté à entraîner derrière lui la formation de Reims tout entière : les tempi étaient justes, les accélérations endiablées sous contrôle, les mélodies bien ajustées aux capacités des chanteurs, les passages d’ensemble parfaitement équilibrés.

La mise en scène d’un costumier scénographe.

Ancien décorateur, passé à la direction de scène, Louis Désiré a signé costumes, décor et mise en scène de la production. Son travail, plutôt classique, est stylisé, et bien entendu, très cohérent. Le décor, très sobre, fait allusion aux rêveries d’Angelina par le truchement de gros titres de la presse du cœur (una volta c’era un re). Une structure métallique de grandes dimensions, aux allures d’araignée intergalactique – en réalité un lustre renversé du palais du prince- a fait subitement irruption sur scène et transporté la fille au sort misérable vers une réalité… de rêve. En définitive il s’est agi d’une mise en scène sui generis, en rien comparable à celles proposées ces dernières années dans les salles européennes, que ce fût celle de Sébastien Rouland (Voir la critique de Charles Rosenbaum 676), ou celle des Comediants (voir la critique de cCaroline Alexander 1678), pour ne citer qu’elles. Pirouette majeure de la direction des acteurs, Louis Désiré a fait du personnage d’Alidoro (ailes d’or) –Laurent Arcaro, très à l’aise dans le rôle- un Deus ex machina de la soirée aux allures de magicien de salon.


Une distribution cohérente, disciplinée, à la hauteur des circonstances
.

Anna Destraël, ayant assumé jusqu’ici principalement des rôles travestis, a campé une Angeline très féminine, douce, supportant avec patience les violences de ses horribles (fausses) sœurs et de son beau-père Don Magnifico. En effet, d’après Jacopo Ferretti, auteur du livret, Don Magnifico a eu ses deux filles d’un premier lit. Resté veuf, il a épousé une veuve, mère d’une petite fille, Angelina. Après la mort de sa deuxième épouse, Don Magnifico a gardé Angelina auprès de lui comme bonne à tout faire. Clorinda et Tisbe n’ont donc pas de lien consanguin avec la protagoniste. Anna Destraël possède un timbre sombre, une émission flexible et une diction d’une grande pureté, qualités appréciables pour le rôle d’Angelina. Elle a réussi son intervention finale, sorte d’examen de passage, avec brio. Le ténor catalan David Alegret de belle présence, a campé un Don Ramiro élégant, amoureux transi de sa belle ; expressif, très à l’aise dans le registre aigu, il n’a pas eu des difficultés majeures à décortiquer sa partition, le brin de métal de ses aigus venant encore renforcer le côté raffiné du personnage. Eduarda Melo (Clorinda) et Hagar Charvit (Tisbe), bien dirigées par Louis Désiré, se sont montrées dans un registre comique de parfaites pestes envers leur fausse soeur. Yuri Kissin a bien rempli son rôle de Don Magnifico sans arriver pour autant à nous faire oublier les prestations d’artistes comme Paolo Montarsolo, Carlos Chausson ou Stéphane Dégout. Le chœur masculin de l’Opéra-Théâtre de Metz sous la direction de Nathalie Marmeuse s’est montré présent en toute circonstance.

Armando Noguera, une valeur incontestable.

C’est Armando Noguera qui a reçu les applaudissements les plus enthousiastes du public, tant le rôle de Don Dandini, prisé par les barytons de tout bord, semblait fait à la mesure de cet artiste en progression constante. Son timbre masculin, le volume maîtrisé de sa voix, sa riche palette de couleurs, la facilité apparente de son phrasé, mais aussi sa sympathie et son autorité sur scène, ont attiré vers lui tous les regards, toute l’attention de la salle. Sans chercher à aucun moment à ravir la vedette à ses collègues, il a par sa simple présence sur scène, ravi le public et donné en même temps confiance à l’ensemble du plateau.


La Cenerentola, opéra en deux actes de Gioacchino Rossini, livret de Jacopo Ferretti d’après le conte de Jacques Perrault. Orchestre de l’Opéra de Reims. Chœur masculin titulaire du Théâtre de Metz. Production de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole. Direction musicale José Miguel Perez-Sierra. Mise en scène, scénographie et costumes Louis Désiré. Avec Anna Destraël, Yuri Kissin, David Alegret, Armando Noguera, Laurent Arcaro, Eduarda Melo, Hagar Sharvit.

Les 20, 22 et 24 septembre 2013.

http :opera.metzmetropole.fr

Opéra-Théâtre- Metz Métropole
4-5, place de la Comédie
57000 Metz

Réservations : 00 33 (0)3 87 15 60 60

Photos : Philippe Gisselbrecht

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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