Paris - Théâtre de l’Athénée jusqu’au 13 janvier. En tournée

Julie de Philippe Boesmans

Un bijou d’opéra de chambre

Julie de Philippe Boesmans

En mars 2005, à La Monnaie de Bruxelles, naissait un bijou d’opéra de chambre que le compositeur Philippe Boesmans et le librettiste- metteur en scène Luc Bondy avaient tiré de la pièce d’Auguste Strindberg Mademoiselle Julie (voir webthea du 16 mars 2005). Au détour elle perdait sa qualification civile, devenait Julie tout court et gagnait en tension dramatique. Voire érotique. Depuis elle a beaucoup voyagé, de Vienne à Aix-en-Provence, en passant par les principales maisons d’opéra d’Europe. Depuis également Philippe Boesmans et Luc Bondy ont signé un nouveau chef d’œuvre puisé dans le répertoire du théâtre, cette Yvonne princesse de Bourgogne d’après Witold Gombrowicz créée en 2009 au Palais Garnier de Paris (voir webthea du 27 janvier 2009).

Après Reigen (La Ronde d’après Arthur Schnitzler) réorchestré pour les Jeunes Voix du Rhin, Matthew Jocelyn qui fut l’instigateur de sa cellule de formation lyrique, met en scène cette Julie dans son orchestration d’origine défendue cette fois par l’ensemble belge Musiques Nouvelles, une phalange dédiée depuis 1962 aux musiques de son temps et dont Philippe Boesmans fut dès les premières heures un précieux mentor. C’est dire si aujourd’hui encore, sous la direction précise et quasiment amoureuse de Jean-Paul Dessy, sa musique est formidablement servie.

L’art de conjuguer le passé au présent

Boesmans ou l’art de conjuguer le passé au présent. Sa musique puise dans le passé, s’autorise par éclairs des citations en clins d’œil, où l’on peut reconnaître, le temps d’un soupir, Strauss et sa Salomé, Berg, Schreker ou Mendelssohn et, tantôt atonale, tantôt mélodique, atteint une dimension universelle qui fait battre le pouls de notre monde. Martèlement des tambours et marimbas, gémissements des cordes, pincée nostalgique de la harpe, échappées dansantes des flûtes : la tension monte en fièvre dans l’affrontement en huis clos de deux classes sociales incendiées par le désir d’une nuit de la Saint Jean. Dans la cuisine du château familial, Julie fille de comte vampe Jean, le valet, joue de sa séduction de femme et de son pouvoir de maîtresse de maison, tandis que Kristin la servante, fiancée du domestique tente d’échapper à l’imbroglio qui se noue sous ses yeux, entre sommeil et révolte. La tragédie est mise en épure.

Une bourgeoise allumée par le démon de midi

Dans un décor fait de panneaux en plastique d’une affligeante laideur que ne justifient ni l’histoire ni la musique, Matthew Jocelyn dirige avec doigté et fantaisie le trio de chanteurs, tous ex-pensionnaires des Jeunes Voix du Rhin : Agnieszka Slawinska, soprano polonaise en Kristin toute de fraîcheur, à peine sortie de l’adolescence, Alexander Knop, baryton allemand, formé entre autres par Anna Ringart, familier de Boesmans dont il a déjà interprété Reigen, campe un Jean veule, incapable de résister aux manipulations hystériques de la fille de son patron, cette Julie désaxée, folle de son corps et prisonnière de sa classe que la mezzo Carolina Bruck-Santos interprète en bourgeoise allumée par une sorte de démon de midi. Elle ne fait pas oublier Malena Ernman, l’admirable créatrice du rôle, mais elle le défend avec une voix claire et une belle conviction.

A découvrir ou redécouvrir : le monde musical de Boesmans est bien le nôtre.

Julie de Philippe Boesmans d’après Mademoiselle Julie de Strindberg, livret de Luc Bondy et Marie-Louise Bischofberger, ensemble Musiques Nouvelles, direction Jean-Paul Dessy, mise en scène Matthew Jocelyn, scénographie Alain Lagarde, costumes Zaïa Koscianski. Avec Carolina Bruck-Santos, Alexander Knop, Agnieszka Slawinska. Production la Scène Nationale d’Orléans, coréalisation Théâtre de l’Athénée

Paris, Théâtre de l’Athénée du 8 au 13 janvier à 20h

+33 (0)1 53 05 19 19 – www.athenee-theatre.com

En tournée :

22 janvier Maison de la culture de Bourges (02 48 67 74 74)
24 mars Théâtre Royal de Mons en Belgique (+32 065 39 59 39)
27 avril Espace Malraux à Chambéry (04 79 85 55 43)
11 mai (La Rampe à Echirolles (04 76 40 05 05)

© Gérard Bezard - La République du Centre

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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