Iphigénie en Tauride de Johan Wolfgang von Goethe

La femme serait-elle l’avenir de l’homme ?

Iphigénie en Tauride de Johan Wolfgang von Goethe

L’esprit des Lumières souffle fort sur cette pièce de Goethe contrairement au vent sur le rivage d’Aulis qui fit condamner Iphigénie au sacrifice pour qu’il daigne se lever. Iphigénie est sauvée de la mort par la déesse Diane qui dépose le cadavre d’une biche et emporte la jeune fille sur des rivages lointains où elle devient vestale de son temple. Loin des siens dans cette contrée étrangère, elle est protégée par le roi Thoas qui maintenant la presse de l’épouser au nom de tout ce qu’il a fait pour elle. Sur ces instances il a en effet accepté d’abolir la peine de mort infligée aux étrangers qui prenaient pied sur sa terre. Mais voilà qu’on apprend l’arrivée de deux étrangers. Fâché contre Iphigénie qui lui résiste, le roi décide de faire tuer les deux hommes – il s’agit d’Oreste son frère et de son ami Pylade – et ce sera Iphigénie qui en aura la tâche. Oreste est désespéré car, avec sa sœur Electre, il a tué sa mère Clytemnestre pour venger la mort d’Agamemnon, responsable du sacrifice d’Iphigénie. La malédiction des Atrides en action !

Face à cet enchaînement mortel fatal, se dresse Iphigénie, petite sœur d’Antigone dans sa révolte, sa droiture, son honnêteté et surtout son féminisme et son pacifisme chevillés au corps et au cœur. Le salut de l’humanité viendrait-il de la femme ? Iphigénie déploie une fine rhétorique et parvient à convaincre le roi de la laisser rentrer auprès des siens avec son frère. Et la tragédie s’achève sur un vent d’espoir.
Jean-Pierre Vincent a pensé une mise en scène homogène et sobre contrairement aux costumes qui semblent répondre à des intentions différentes : Iphigénie porte une robe blanche qui évoque logiquement les costumes antiques, le roi Thoas (Alain Rimoux, très juste) arbore les attributs du pouvoir avec son long manteau rouge et ses lourdes chaînes autour du cou ; le messager semble aussi mal à l’aise dans son rôle que dans son costume, veste ouverte sur son torse nu. Le décor de Jean-Paul Chambas évoque une toile de peintre japonisante.

Dans ce monde d’hommes, Iphigénie affirme un tempérament aussi singulier que son interprète. Cécile Garcia Fogel, dont la voix grave étonne et impressionne, en exprime à la fois la tempérance et la détermination, même si son jeu inégal se perd parfois dans des effets dissonants. Vincent Dissez interprète avec une belle intensité les tourments qui tuent Oreste tandis que Pierre-François Garel lui oppose calme et sang-froid, intelligence de la situation. On voit bien ce qui a pu séduire le metteur en scène dans ce texte qui rêve le triomphe de la raison.

Iphigénie en Tauride de Johan Wolfgang von Goethe, traduction Bernard Chartreux et Eberhard Spreng ; décor Jean-Paul Chambas ; costumes, Patrice Cauchetier ; lumières, Benjamin Nesme ; avec Cécile Garcia Fogel, Vinent Dissez, Pierre-François Garel, Alain Rimoux, Thierry Paret. Au théâtre de la ville (Abbesses) à 20h30 jusqu’au 10 décembre 2016. Durée : 1h50. Résa : 01 42 74 22 77.

photo Jean-Louis Fernandez

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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