Ivry, Théâtre des quartiers d’Ivry jusqu’au 17 décembre 2011

Hôtel Palestine de Falk Richter

Guerre à la guerre !

 Hôtel Palestine de Falk Richter

Le théâtre de l’Allemand Falk Richter semblait surtout, à voir les mises en scène de Stanislas Nordey ou de Richter lui-même, une machine de guerre contre l’économie occidentale, ce qu’il appelle « Das System ». Avec cette pièce jusqu’alors négligée chez nous, Hôtel Palestine, créée à Montpellier avec le concours des Treize-Vents, Jean-Claude Fall révèle chez Richter une veine directement politique. C’est aux dirigeants des Etats-Unis et à sa bavarde majorité silencieuse qu’il s’en prend, gaillardement. L’Hôtel Palestine est un hôtel de Bagdad que l’US Air Force bombarda en 2003, tuant des occupants, dont deux journalistes. Partant de cet épisode de la guerre coloniale, Richter met en place deux officiels yankees puis laisse la pièce naviguer au gré des déclarations des militaristes et des opposants, mêlant les citations les plus exactes et ses propres répliques. Dans un décor de Gérard Didier conçu comme un mur planté devant un terrain vague – mur d’images où l’actualité et les slogans défilent, et mur de séparation comme tous les pouvoirs autoritaires ont aimé en dresser -, Jean-Claude Fall élargit le spectre du brûlot, avec des séquences filmées où l’on ne voit pas seulement Bush et son équipe défendre leurs affirmations mensongères mais aussi les conservateurs d’aujourd’hui, à commencer par les leaders des Tea Parties, tels l’ineffable Sarah Palin.
Pour Jean-Claude Fall, la pièce de Richter est « un pamphlet non manichéen ». C’est vrai qu’il fait entendre des voix opposées, en chargeant de façon égale les plateaux de la balance. Mais le texte ne surprend guère, tant l’on est facilement d’accord avec la dénonciation de l’arrogance américaine et l’approbation du rôle de l’Allemagne et de la France opposées au conflit en Irak. C’est très intelligent, mais peu à rebrousse-poil pour nos consciences européennes, peut-être trop flattées par un discours qui provoque plus les autres que nous-mêmes. Heureusement, ce type d’œuvre qui ne s’appuie pas sur une histoire mais sur l’Histoire aiguise fortement l’imagination dramatique et formelle du metteur en scène. En donnant à ses acteurs, Marc Baylet-Delperier en tête, une belle liberté dans la profération des idées et la représentation des militants de tout poil, il retrouve le dynamisme d’un théâtre politique perdu. C’est vigoureux et crève l’écran des langues de bois.

Hôtel Palestine de Falk Richter, traduction de Anne Monfort, mise en scène de Jean-Claude Fall, scénographie de Gérard Didier, vidéo de Laurent Rojol, bande-son d’Eric Guennou, costumes de Marie Delphin et Gérard Didier, lumière de Martine André et Jean-Claude Fall, avec
Marc Baylet-Delperier, Christelle Glize, Patty Hannock, Philippe Hérisson, Vincent Leenhardt, Cécile Massol. Théâtre des Quartiers d’Ivry (studio Casanova), tél. : 01 43 90 11 11, 7-17 décembre. Béziers (Bayssan), 29-30 mars. Marseille (théâtre de Lenche), 17-28 avril. (Durée : 1 h 20).

photo Marc Ginot

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook