Heautontimoriumenos d’après Charles Baudelaire

Baudelaire bourreau de soi

 Heautontimoriumenos d'après Charles Baudelaire

Le mot grec qui titre un des poèmes des « Fleurs du mal » de Baudelaire est au centre d’un spectacle consacré à l’écrivain qui fut scandaleusement charnel, génialement versificateur et critique, vindicativement allergique aux Belges.

Benoit Verhaert affectionne porter la littérature à la scène en jouant, par exemple, « La Chute  » et « L‘Etranger » de Camus. Avec sa Cie, il poursuit son parcours grâce à une présentation de l’œuvre et du personnage de Charles Baudelaire. Avec ses complices Delphine Gardin, (comédienne et chanteuse), Gilles Masson (comédien et guitariste), il agence un patchwork de poèmes, d’avis critiques, de déclarations, de pamphlets… Tout cela épicé d’un travail corporel intense et aussi visuel qu’une chorégraphie, animé d’un amour des mots savourés et clamés, accompagné d’un rock encore proche de son père le blues.

Le mot grec « Heautontimoriumenos », titre d’un des poèmes des « Fleurs du mal  », signifiant « être bourreau de soi » est au centre du spectacle. Il deviendra chanson scandée comme une comptine pour adultes où reviennent ces vers : Je suis la plaie et le couteau ! / Je suis le soufflet et la joue ! / Je suis les membres et la roue, / Et la victime et le bourreau !
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Outre ce poème, on reconnaîtra au passage des textes comme L’Albatros, Tristesses de la lune ou Enivrez-vous et L’étranger. Mais à travers la mosaïque textuelle de ce spectacle, Baudelaire confie aussi son idéal du dandysme qu’il pratiqua : Le dandy doit vivre et dormir devant un miroir. Il doit aspirer à être sublime sans interruption. Il ajoute quelques considérations sur l’art dont il fut critique ouvert à la modernité. Il ricane et se flagelle. Il provoque et subvertit une morale hypocrite.

Des confidences s’extraient d’œuvres posthumes. Lui qui sent « en moi le ridicule d’un prophète »., lui vit dans le mal être, profite des plaisirs de la sensualité ; il affectionne le trouble du maléfique comme Félicien Rops son illustrateur, un des rares Belges qu’il supporta. Car le spectacle se termine avec des extraits venimeux de son pamphlet inachevé Pauvre Belgique où il exprime toute sa rancune envers un pays qui ne l’a pas compris, épisode que le trio sur scène agrémente d’une allègre parodie de l’hymne national.

Indissociables, les trois interprètes se sont donnés physiquement sans réserve devant un comptoir de bar agrémenté d’une tête de mort et devant quoi chacun trinque. Entremêlant guitare électrique, chant, parole et générosité corporelle, Gardin, Masson et Verhaert nous entraînent vers les mots du poète avec conviction, baignant dans les éclairages intimistes et variés de John Cooper,, portés par un usage créatif du son.

Heautontimoriumenos ou l’impitoyable lucidité du dandy devant son miroir, Conception, mise en scène : Benoît Verhaert. Avec Delphine Gardin, Gilles Masson, Benoît Verhaert. Composition musicale : Gilles Masson. Scénographie : Pauline Maréchal. Création lumière : John Cooper. Assistanat à la mise en scène : Tiphanie Lefrançois

Photo © Bernard Bailly

En tournée :

28 janvier 2022 Maison culturelle d’Ath

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre » (2006-2021)....

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