HHhH d’après le roman de Laurent Binet

 HHhH d'après le roman de Laurent Binet

Il y a d’abord la rencontre entre un roman et un metteur en scène qui aime les défis. Puis, il y a la rencontre entre un processus de création et un public pris par la spirale insidieuse de la création et de l’obsession. Le roman de Laurent Binet a reçu le Prix Goncourt du premier roman en 2010.
HHhH sont des initiales terribles, celles d’Heydrich, le bourreau de Prague. HHhH, les initiales d’un sobriquet. Un auteur écrit sur l’attentat de Heydrich à Prague. Son roman prend toute son énergie, son temps, ses pensées, sa respiration. Tout dans sa vie va dans une seule direction : écrire cette histoire, coller au plus prés de la réalité. Il veut tout savoir, d’où vient-il cet assassin en bottes noires, l’âme damnée d’Hitler (tiens encore un H) qui est craint même dans ses propres rangs. Le sujet est l’attentat, l’opération Anthropoïde, deux parachutistes sont chargés de tuer le chef de la gestapo et des services secrets nazis. Le romancier porte cette histoire, depuis plusieurs générations. Petit à petit, les témoins de l’histoire, les fantômes peuplent ses nuits. Il veut que chaque détail soit exact, de quelle couleur est la voiture d’ Heydrich, noire ? Verte ? Quelle voix avait-il ? Avait-il du charme ? Son appartement est envahi par une documentation qui est dérangeante. La réalité historique parfois le titille, une version romancée n’aurait-elle pas plus de poids. Non, il ne veut pas entendre les sirènes de la facilité, il voudrait tellement que ce qu’il décrit soit juste. Mais auprès de lui sa compagne étouffe, toute cette documentation sur les nazis, toutes les conversations engagées qui inévitablement reviennent sur l’opération Anthropoïde. Son obsession monomaniaque cannibalise son couple.
A quel moment l’historien doit céder le pas au romancier ? L’histoire est la fille du temps, les caves du Vatican sont, dit-on remplies de secrets historiques que nous ne connaîtrons que dans plusieurs générations lorsque la raison d’Etat pourra être révélée. Mais quel document révélera ce que pensaient les protagonistes de l’opération Anthropoïde. Las de cette problématique infernale, l’auteur dans une transe épique nous livre le déroulement hallucinant de l’attentat.

Laurent Hatat a imaginé la chambre de l’auteur avec sa compagne au début muse mutique et compréhensive. Leur lit est le bureau de l’ouvrage, sous l’oreiller un livre, sous la couette des dossiers. Le romancier se passe mentalement des passages de son ouvrage, les mots, les phrases prennent forme, le mur de la chambre devient l’écran où elles défilent. Il rend perceptible cette aspiration du quotidien qui devient vulgaire et gênante lorsque l’on est en plein processus de création. Le moment où l’on devient le vampire de notre entourage puisque un seul but intéresse notre écrivain. Dans un moment fulgurant, il va comprendre qu’il est temps à présent de jeter toute la documentation pour passer à l’écriture, pour l’oublier pour arriver à l’essentiel. Olivier Balazuc est le romancier épris de justesse, victime d’une fascination qu’il récuse, dans un baroud d’honneur avec lui-même, car il comprend que désormais il ne peut plus reculer, qu’il doit, comme les parachutistes passer à l’action, qu’il doit s’exécuter. Dans une oralité paroxystique, il raconte le déroulement de ce moment crucial, aboutissement de toute sa quête. Il est tous les personnages, ressentant la déchirure de la balle dans la jambe de l’un des parachutistes, entendant le bruit de l’eau qui envahit le refuge des fuyards. Ses paroles d’encre et de sang impriment dans nos esprits l’opération Anthropoïde. Le public suit dans un souffle partagé le récit sublimé par ce comédien magnifique. Mais l’on ne nous fera pas le même reproche que nous fassions au romancier monomaniaque, nous n’oublions pas Leslie Bouchet, jolie compagne indispensable a ce spectacle qui est l’un des plus grand succès du festival Off d’Avignon.

HHhH
D’après le roman de Laurent Binet, adaptation et mise en scène Laurent Hatat. Avec Olivier Balazuc et Leslie Bouchet.
Reprise : Théâtre de la Commune CDN Aubervilliers du 11 octobre au 26 octobre 2012
Tél : 01 48 33 16 16 accueil@theatredelacommune.com

Création Avignon Off L’Entrepôt 13h20 (repris au théâtre de la Commune d’Aubervilliers du 11 au 26 octobre.

A propos de l'auteur
Marie-Laure Atinault
Marie-Laure Atinault

Le début de sa vie fut compliqué ! Son vrai nom est Cosette, et son enfance ne fut pas facile ! Les Thénardier ne lui firent grâce de rien, théâtre, cinéma, musée, château. Un dur apprentissage. Une fois libérée à la majorité, elle se consacra aux...

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