Gisèle Halimi – Une farouche liberté, adaptation de Agnès Harrel, Léna Paugam, Philippine Pierre-Brossolette d’après les textes de Gisèle Halimi et Annick Cojean.
Un duo magistral pour une femme d’exception
Sur la grande scène de la Scala d’Avignon, dans un décor minimaliste s’avance Gisèle Halimi d’un pas assuré. La pièce s’ouvre par quelques échanges entre de Gisèle Halimi et sa mère âgée et toujours aussi distante. Le rejet maternel depuis son enfance lui donne cette force pour s’affirmer et cette combativité qui ne la quitteront jamais. « Finalement tout ce que j’ai fait, c’est peut-être parce que ma mère ne m’aimait pas » déclare-t-elle dans ses entretiens avec son amie journaliste Annick Cojean publiés en 2020, peu avant sa disparition.
Ariane Ascaride et Philippine Pierre-Brossolette se partagent le texte pour relater à la première personne le parcours exceptionnel de cette femme qui sans cesse œuvra pour la justice et défendit la cause des femmes.
Gisèle Halimi naît en Tunisie, en 1927, dans une famille juive pratiquante qui laisse peu de place aux femmes mais très jeune, à 10 ans, elle ne supporte plus les obligations injustes, elle se rebelle en entamant une grève de la faim. Son caractère combattif ne disparaîtra jamais et lui insufflera le courage et l’obstination nécessaires de mener ses combats tout au long de sa vie.
Le spectacle permet de redécouvrir les grandes étapes de sa carrière d’avocate, de militante féministe et de femme politique.
Dès les années 1950, elle défend des militants de l’indépendance de l’Algérie. Puis son récit évoque le procès de Djamila Boupacha, torturée et violée en détention par des soldats français. Le procès s’annonce très difficile. Elle décide de médiatiser l’affaire et elle prend contact avec Simone de Beauvoir qui lui apporte son soutien en publiant un article.
Les combats féministes de Gisèle Halimi sont fondamentaux pour la cause des femmes et, en particulier pour le droit à l’avortement. Le manifeste des 343, réunissant les signatures de femmes déclarant avoir avorté alors que la loi condamne cette pratique et que Gisèle Halimi signe malgré son statut d’avocate, le procès de Bobigny de 197I où elle obtint l’acquittement de trois des accusées, la fondation du mouvement « Choisir la cause des femmes » aux côtés de Simone de Beauvoir… toutes ces actions furent déterminantes pour le vote de la loi Veil. Elle réussit aussi à faire évoluer la loi concernant le viol reconnu désormais comme un crime, suite à sa défense d’Anne Tonglet et Araceli Castellano victimes d’un viol collectif.
Proche de la gauche, elle entre en politique et devient députée. Malgré le peu de soutien qu’elle reçoit elle continue, sans relâche, à faire des propositions de lois pour la parité homme – femme.
Les deux comédiennes Ariane Ascaride et Philippine Pierre Brossolette font résonner les paroles de Gisèle Halimi de manière complémentaire et leur duo donne à cet hommage une dynamique appréciable. Le décor très sobre convient parfaitement ; sur le fond de scène sont projetés quelques textes de l’avocate, les portraits de certaines personnalités qu’elle a côtoyées. Ce minimalisme scénographique est judicieux et renforce la force du récit de cette grande dame, qui choisit très jeune la carrière d’avocate pour « me défendre » dit-elle, mais ce sont toutes les femmes, ses « sœurs », toutes les personnes victimes d’injustice, qu’elle a défendues inlassablement.
Cette pièce offre la chance d’entendre la parole de cette grande figure du féminisme qui déclare à la fin d’Une farouche liberté, en s’inspirant de Simone de Beauvoir : « on ne naît pas féministe, on le devient ». Son intelligence, son courage et sa ténacité nous bouleversent et suscitent notre plus grand respect.
Festival Off Avignon jusqu’au 29 Juillet.
Gisèle Halimi, une farouche liberté, adaptation de Agnès Harrel, Léna Paugam, Philippine Pierre-Brossolette d’après les textes de Gisèle Halimi et Annick Cojean.
Mise en scène : Léna Paugam
Avec Ariane Ascaride et Philippine Pierre-Brossolette
Assistanat à la mise en scène : Mégane Arnaud
Scénographie :C lara Georges Sartorio
Création Sonore : Félix Mirabel
Création vidéo : Katell Paugam
crédit photo : T. O’Brien
La Scala Provence, 3 rue Pourquery de Boisserin, 84000 Avignon.
18h, durée 1H20
Reprise du 6 au 17 mars 2024 à la Scala de Paris