Paris, Théâtre Artistic Athévains, jusqu’au 11 juillet
François d’Assise de Joseph Delteil
Un saint à la portée de tous
« Je prétends toujours que tout homme, s’il le veut, peut devenir François d’Assise, sans être saint le moins du monde. J’imagine très bien un François d’Assise laïque et même athée, ce qui importe, c’est l’état d’esprit "françoisier" et non sa place réservée sur un fauteuil doré dans le paradis. Il faut un saint "utilitaire", un saint qui "ensainte" les hommes ». Signant une adaptation pour la scène du François d’Assise de Joseph Delteil, Adel Hakim et Robert Bouvier ont parfaitement suivi la direction qu’indique ici l’écrivain iconoclaste (1894-1978) dont Claudel disait qu’il était un « auteur étonnant ». Que l’on soit confit en dévotion ou définitivement rétif à toute idée de transcendance, chacun peut trouver matière stimulante à méditation ou invitation énergique à l’action dans cette ode à l’émerveillement et au réenchantement sans cesse renouvelé du monde. A des années lumières d’une hagiographie poussiéreuse qui tenterait d’édifier les masses, convaincues ou impies, ce François d’Assise porte la marque génétique d’Il Poverello, de son enthousiasme fougueux, de ses élans charnels, de son admiration jamais démentie pour les beautés de la Création, de la pureté de son engagement en faveur d’une vie simple et entièrement dévouée à « Dame Pauvreté ». Il y a chez ce François la fraîcheur intacte des débuts, quand l’être vivant s’étonne chaque seconde de la prouesse qu’il accomplit : être en vie, précisément, et s’enivrer de toutes les odeurs, de toutes les sensations, de tous les parfums. S’ébaudir d’un rien et s’enthousiasmer de tout !
Le jeu de Robert Bouvier, aussi sensible que sensitif, est à l’unisson de la plume vivifiante et foisonnante de Jospeh Delteil, de ses descriptions luxuriantes, débordant d’adjectifs et de substantifs aux sonorités goûteuses. Le comédien d’origine suisse met toute sa générosité au service de l’itinéraire spirituel et humain de François d’Assise (et de sainte Claire !) comme s’il en découvrait à chaque instant la portée universelle. La performance est d’autant plus admirable que Robert Bouvier porte ce spectacle, mis en scène avec une justesse et simplicité magnifiques par Adel Hakim, depuis plus de quinze ans. A intervalles réguliers, il vient, tel un jeune homme en remarquable condition physique et mentale, le défendre sur les scènes helvètes et hexagonales avec l’ardeur des premiers jours. Comme s’il voulait, lui et son compère, nous signifier que le message de l’Ordre Franciscain, dont on a fêté l’an dernier le 800e anniversaire, était d’une perpétuelle actualité. Amour de la nature et attention aux plus pauvres, deux exigences éternelles… pour les croyants et pour tous les autres.
François d’Assise, adaptation théâtrale du roman de Joseph Delteil. Version scénique : Adel Hakim et Robert Bouvier. Mise en scène : Adel Hakim ; Assistante à la mise en scène : Nathalie Jeannet ; Jeu : Robert Bouvier ; Scénographie : Yves Collet (en collaboration avec Michel Bruguière). Lumières : Ludovic Buter ; Son : Christophe Bollmann ; Durée : 1 h 45.
Théâtre Artistic Athévains, 45 rue Richard Lenoir, Paris 11e. Le mardi à 20 h, mercredi et jeudi à 19 h, vendredi et samedi à 20 h 30 ; samedi et dimanche à 16 h. Location : 01 43 56 38 32.
Crédit photographique : Marion Duhamel.