jusqu’au 26 avril
Espèces d’espaces de Georges Perec
Spatialité mode d’emploi
En 1974, Georges Perec (1936 – 1982) écrit ce texte en douze chapitres aux accents philosophiques. Il y questionne de manière méthodique, jusque dans les détails, les caractéristiques des espaces dans lesquels vivent les hommes. En partant de la feuille blanche, qui constitue son premier espace relationnel d’écrivain, puis d’un lit, il élabore un inventaire des différents espaces dans lesquels s’inscrivent leur quotidien : la chambre, l’appartement, l’immeuble, la rue, le quartier, la ville, la campagne, le pays et le monde. Pour chacune de ces localisations, fines observations méthodiques du quotidien, descriptions, usages, constats, théories, à ce jour non encore appliquées ou irrésolues, tissent un cheminement dans la pensée propre à répondre aux idées reçues en repoussant leurs limites. Des propos tour à tour emprunts de gravité ou de légèreté, colorés de poésie et d’humour, pour échapper à la stricte fonctionnalité des lieux évoqués et ouvrir sur un “inutile ” nécessaire à la vie. En stigmatisant “ l’inhabitable : la mer dépotoir, l’architecture du mépris et de la forme, l’étriqué, l’encagé, les bidonvilles, les judas ou les blindages de portes ….”. Ou encore les frontières, “où pour des millions d’hommes la mort est venue d’une légère différence de niveau entre deux points éloignés de cent mètres.”. Une manière de reconquérir “ le monde, non plus comme un parcours sans cesse à refaire, non pas comme une course sans fin, un défi sans cesse à relever, non pas comme le seul prétexte d’une accumulation désespérante, ni comme l’illusion d’une conquête, mais comme retrouvaille d’un sens, perception d’une écriture terrestre, d’une géographie dont nous avons oublié que nous sommes les auteurs.”.
L’écriture en action
Après avoir brillamment porté à la scène le Ravel de Jean Echenoz, en 2013 (Prix Laurent Terzieff du Syndicat de la Critique de Théâtre de Musique et de Danse) Anne-Marie Lazarini orchestre cette belle partition avec une intelligence et une sensibilité, à même de mettre la matière littéraire en mouvement. En apportant à ce texte non théâtral une résonance adaptée, permettant d’en savourer les différentes strates d’écriture à travers les mots prononcés par trois bons comédiens, Stéphanie Lanier, Michel Ouimet et Andréa Retz – Rouyet. Ils trouvent un partenaire très complémentaire et signifiant, dans le décor allusif, les images projetées, les fines maquettes représentatives, animations, objets, lumières et costumes de Dominique Bourde et François Cabanat, fruits d’un attentif travail artisanal, organisant le regard, en allant bien au delà du spectaculaire. Nul doute que cette représentation aurait pu susciter à Pérec un nouveau volet de ses “ Espèces ”, consacré cette fois à l’espace scénique.
Espèces d’espaces
de Georges Perec, mise en scène Anne-Marie Lazarini, avec Stéphanie Lanier, Michel Ouimet, Andréa Retz – Rouyet. Voix off Frédérique Lazarini, musiques Philippe Glass et Ravi Shankar. Scénographie, images, lumières et costumes, Dominique Bourde, François Cabanat. Durée 1 heure 30
Théâtre Artistic Athévains jusqu’au 26 avril 2015.tel:01 43 56 38 32
Photo ©Marion Duhamel