En attendant les Molières… Isabelle de Botton
Lundi 28 mai 2018, la trentième cérémonie des Molières aura lieu à la salle Pleyel. Les nommés de cette trentième édition auront le cœur qui battra plus vite. Nous avons sélectionné quelques uns d’entre eux pour nous faire part de leur joie !
Isabelle de Botton est nommée dans la catégorie Meilleure Comédienne dans un second rôle pour son interprétation dans Clérambard de Marcel Aymé mise en scène de Jean Philippe Daguerre.
Isabelle de Botton est une femme qui dégage un mélange de bonheur et de sympathie. Sa crinière frisottée, sa voix de petite souris, ses yeux candides et pétillants nous donnent envie de passer du temps avec elle, sûre que ce moment sera délicieux. Bien sûr, nous la connaissons et nous l’aimons comme une amie, un membre de la famille. Quelle soit une Egyptienne, une potiche, une hôtesse de TGV, elle offre à ses rôles son talent et son intelligence.
WT : Une nomination aux Molières, est-ce un rêve ? Un désir de statuette ? Une attente ?
Isabelle de Botton : A vrai dire, je n’y pensais pas du tout cette année. Un matin, je reçois un premier texto d’un ami avec : « Bravo, c’est super, Isabelle ! »
Je jouais au théâtre du lucernaire « L’Affaire Courteline ». Et je n’avais pas vu cet ami. Puis un « c’est trop cool ! ».
Quelques minutes plus tard, je reçois plusieurs messages de félicitations, je pensais à une blague, jusqu’au coup de téléphone de Christophe Segura, le directeur de la Comédie Bastille qui m’annonce ma nomination : « Tu es nommée pour Clérambard ». Je n’en revenais pas, car j’étais arrivée sur ce spectacle en remplacement, neuf jours avant la première date. Le festival d’Avignon, puis à Paris au théâtre 13. En somme je ne me sentais pas légitime, je n’étais pas le premier choix et j’étais déjà très heureuse que Jean-Philippe Daguerre vienne me proposer de rejoindre l’équipe.
WT : Vous êtes une comédienne populaire. Les gens vous aiment ! Vous avez un immense capital de sympathie. Il est difficile de faire un point sur votre carrière sans parler de votre passage au Petit théâtre de Bouvard et du trio encore dans tous les cœurs avec Michèle Bernier et Mimi Mathis. Quel cours avez-vous suivi ?
Isabelle de Botton : J’étais l’élève de Jean-Laurent Cochet, qui est un immense professeur.
Je rêvais de jouer Roxanne, Agnès. Jean-Laurent Cochet me dit : « Ce n’est pas ton emploi et tu ne peux pas jouer les méchantes, ce n’est pas pour toi. »
Jean-Laurent Cochet est un professeur extraordinaire. Je suis devenue son assistante. J’ai beaucoup appris en aidant les autres élèves, en formalisant les défauts et les qualités. Je lui dois tout, c’est grâce à lui si je sais lire un texte.
Un jour Jean-Laurent Cochet, arrive et me dit « tu vas jouer à la Comédie-Française, le rôle de la bonne ».
J’étais folle de joie. Il mettait en scène « Doit-on le dire ? » de Labiche.
Le cœur battant j’attendais ! Et finalement ce fut non. La déception fut terrible. Je décidais de partir du cours. Je me mis à écrire un texte pour le Café Théâtre. « Raoul, je t’aime » est créé au Coupe chou chez Nanni à Beaubourg. Michel Drucker est venu me voir. A l’époque, il avait une émission Les rendez vous du dimanche, il m’invite à venir sur le plateau. Le jour où je me décide enfin à y aller, l’enregistrement est décalé. Michel Drucker me dit de rester. Il parle du spectacle. Je jouais à 23h30 et c’était plein le soir.
Philippe Bouvard avait des assistantes qui écumaient les cafés théâtres. Il préparait une version des Grosses Têtes avec des filles. Il me demanda de préparer quelques blagues. Nous étions soixante pour la première audition. Finalement nous ne sommes plus là pour « Les grosses Têtes » mais pour de l’impro ! Il nous donne des sujets. Philippe me met avec une autre fille qui n’est autre que l’une des futures Vamp, Nicole Avezard (la petite, Lucienne).
« Vous êtes dans le métro et vous tricotez, je vous écoute ! »
Nous mimons des femmes qui tricotent et je ne sais pas pourquoi mais je visualise une barboteuse, et je dis vous tricotez trois jambes ?
Philippe se met à rire et les autres aussi.
Je fais partie de la sélection des 12 élus. Nous devions faire des impros face à la caméra. Le Théâtre de Bouvard c’était une sacrée école. C’était très prenant, il fallait proposer des sketches deux fois par semaine. Philippe disait j’aime/ je n’aime pas. On enregistrait dans la foulée. J’ai fait mes gammes de dramaturgie. On jouait au théâtre Saint Georges, en alternance avec une autre équipe, nous faisions des galas et en semaine nous étions en tournée.
Il faut dire que Philippe Bouvard est très cash et que c’est son humour qui prime. Il n’a jamais pris un centime de droit d’auteur. Quelle belle aventure. Nous sommes partis avec les filles, Michèle Bernier et Mimi Mathis dans l’esprit de faire un feuilleton. Jean-Marie Rouzière, directeur du théâtre des Variétés et du Palais Royal m’a récupéré pour jouer dans « l’Intoxe » de Françoise Dorin, puis dans « C’est encore mieux l’après midi ». Deux gros succès.
Avec les filles nous écrivons « Existe en trois tailles » et « Le Gros n’avion », les deux spectacles marchent très bien. La séparation fut douloureuse.
Je suis retournée vers le théâtre avec « L’écornifleur » mise en scène par Marion Bierry, « La Maison Tellier » dont on parle encore aujourd’hui, mise en scène par Jean Pierre Hané.
WT : Si de prime abord, on pense à vous pour des personnages sympathiques de comédie, vous avez une palette impressionnante. Nous pensions que vous seriez nommé l’an passé pour votre seule en scène « La Parisienne d’Alexandrie ».
Isabelle de Botton : A vrai dire, moi aussi !!! (Rires)
C’est un spectacle qui me tient à cœur et qui a touché le public.
J’ai besoin d’être sur scène, je suis libre, protégée par un personnage.
Au fond, l’immigrée reste en moi. On est accueilli par la France, on reste à sa place. J’ai l’impression d’être au service du personnage. Bien sûr, je suis plus réservée dans la vie. Contrairement à Michèle (Bernier) qui est sur la scène comme dans la vie. Grâce à Jean-Laurent Cochet, je sais comment aller chercher au fond de moi.
WT : Finalement, vous semblez toujours étonnée, lorsque vous êtes réclamée.
Isabelle de Botton : Oui, en somme j’ai un problème de légitimité !
Lorsque je vais voir « Adieu Monsieur Haffmann » au Festival d’Avignon, Grégori Baquet me présente l’auteur et le metteur en scène Jean Philippe Daguerre. Je n’imaginais pas qu’il allait m’inviter à jouer dans « Clérambard », en remplacement. D’ailleurs c’est grâce à cette pièce que l’équipe de « L’Affaire Courteline » m’a demandé de faire partie de la distribution. En 2019, je serai présente à Avignon, pour une nouvelle aventure avec Jean Philippe Daguerre.
WT : Depuis l’annonce de votre nomination, les choses ont-elles changées ?
Isabelle De Botton : Pas vraiment. J’ai des messages de sympathies, d’encouragements.
WT : Avez-vous pensé à votre robe et à un discours ?
Isabelle De Botton : Oui, je sais ce que je vais mettre !!
Pour le discours, par superstition, je ne voulais rien préparer. Mais finalement…..j’y pense !