En attendant Les Molières... Jean- Philippe Daguerre

En attendant Les Molières... Jean- Philippe Daguerre

Lundi 28 mai 2018, la trentième cérémonie des Molières aura lieu à la salle Pleyel. Les nommés de cette trentième édition auront le cœur qui battra plus vite. Nous avons sélectionné quelques uns d’entre eux pour nous faire part de leur joie !

Jean-Philippe Daguerre est l’homme des Molières cette année. Il n’a pas une, pas deux mais 10 nominations. Un record.
L’heureux nommé est un homme qui déborde d’énergie. Il a toujours un spectacle en écriture, en préparation et en tournée. Depuis vingt ans il écume les salles de théâtre soit pour offrir des spectacles, ou pour voir les spectacles des autres. C’est un gourmand des planches. Rencontre avec ce recordman des nominations ce qui est historique dans la mémoire des Molières.

WT : Dix nominations réparties sur trois spectacles ! Votre téléphone ne doit pas s’arrêter de sonner ! Quelles sont vos impressions, votre sentiment depuis cette annonce ?

Jean- Philippe Daguerre : Je ressens cela comme une notoriété officielle. Même si je fais de la mise en scène depuis plus de vingt ans, j’ai l’impression que certains me découvrent.

WT : Pourtant vous avez déjà été nommé dans la catégorie jeune public et les classiques que vous mettez en scène affichent régulièrement complet.

Jean- Philippe Daguerre : Avec ma compagnie Le grenier de Babouchka, nous tournons des spectacles dans toute la France. Les directeurs de théâtre me connaissent pour mes mises en scène de classiques.
Avec « Adieu monsieur Haffmann » crée au Festival d’Avignon, il y a deux ans au théâtre Actuel, j’ai touché un autre public et d’autres professionnels plus attirés par la création contemporaine.

WT : Dix nominations réparties pour trois spectacles, c’est formidable.

Jean- Philippe Daguerre : Oui et parfaitement inattendu ! Par contre j’aurai aimé que tous mes comédiens soient nommés.

WT : Alexandre Bonstein qui joue Monsieur Haffmann avec délicatesse est pour nous l’un des grands oubliés.

Jean- Philippe Daguerre : Je suis tout à fait d’accord avec vous. Alexandre est un grand comédien. Je suis désolé que les acteurs qui jouent avec moi ne soient pas tous nommés, mais très heureux , naturellement des nominations.

WT : Vous parliez tout à l’heure de reconnaissance du métier. Ne croyez-vous pas que votre étiquette « spectacles pour enfant » vous a marginalisé ?

Jean- Philippe Daguerre : (Rires) Avec Le grenier de Babouchka, nous nous attachons à faire des spectacles de qualité avec un engagement total. Bien sûr les spectacles comme Aladin sont plutôt joué en mâtinée de même que Le Cid ou Cyrano. Mais durant les tournées nous sommes à l’affiche le soir et c’est plein.
A Paris, au théâtre du Ranelagh nous jouons en soirée. Je n’ai pas honte de proposer en mâtinée des spectacles familiaux. La mission est de faire partager les classiques pour donner envie d’aller au théâtre, pour découvrir le théâtre. Parfois j’ai l’impression que « les mâtinées classiques » véhiculent de mauvais souvenirs d’école et que c’est péjoratif.
Moi je suis très clair avec ça je suis sans complexe !

WT : Puisque après vingt ans, on vous découvre, quel est votre parcours ?
D’où tirez-vous votre énergie ?

Jean- Philippe Daguerre : Pendant dix ans, j’étais comédien et chanteur de rock, le groupe s’appelait les Facéties. J’écrivais des chansons.

WT : Cela explique le rythme endiablé de certaines de vos mises en scène !

Jean- Philippe Daguerre : C’était du rock alternatif très années 90. A cette époque, j’ai vraiment eu la vocation de la mise en scène pour le groupe, organiser les tournées, les répétitions. Nous invitions des artistes de différents horizons. Une ambiance d’auberge espagnole, pleine d’artistes différents, c’était très joyeux. Puis j’ai fait un spectacle au Sentier des Halles, Histoire d’œufs autour des poèmes de Prévert avec des chansons originales. Après j’ai rejoint l’Écla Théâtre aux théâtre des Variétés. L’Écla Théâtre réunit une grande équipe de comédiens qui donne des spectacles pour les enfants. Comme comédien, j’ai beaucoup joué dans le théâtre subventionné, Brecht en basque à Biarritz entre autre !
Avec Le grenier de Babouchka codirigé par Charlotte Matzneff nous voulons faire un théâtre populaire. Nous n’avons pas de subvention. Ce fut parfois difficile. Comme nous respectons les comédiens nous voulons qu’ils aient un salaire. Nous ne recevions pas de salaire. Charlotte et moi, nous faisons tout pour assurer les représentations, on fait le placement. Le contact avec le public est primordial. Nous jouons beaucoup en province, cette rencontre avec le public, leur écoute est formidable. Ils aiment que les comédiens soient accessibles.
Xavier Lemaire a la même démarche que moi. Nous faisons le même métier. Nous faisons des spectacles sans tête d’affiche.
Je ne travaille qu’avec des personnes que j’aime.

WT : Parlez-nous de Monsieur Haffmann ?

Jean- Philippe Daguerre : J’avais un sujet en tête. Je voulais parler de l’évolution de la France à travers une histoire. J’avais des amis qui n’arrivaient pas avoir d’enfant. Le drame intime de ce couple me touchait. L’idée de la pièce a germé. J’ai en parlé à Didier Caron qui m’a encouragé à écrire la pièce, avec la possibilité de la monter au théâtre Michel en soirée. Car Didier qui est le directeur du théâtre Michel a pour politique de ne monter que des auteurs vivants.
J’ai écrit et puis Didier a préféré monter Fausse note.
J’ai rencontré Thibault Houdiniere. Je lui dois beaucoup. Il est très respectueux de ce que j’ai fait. Il a lu la pièce, puis fleur Houdiniere a lu également et Jean-Claude Houdiniere a lu également Monsieur Haffmann. J’avais peur d’embarquer la compagnie dans cette aventure et puis après des lectures, et des coups de cœur de directeurs de théâtre, la pièce est arrivée au Festival d’Avignon au théâtre Actuel. Le premier jour ou la pièce est jouée au Théâtre Actuel, Myriam de Colombi, la directrice du théâtre Montparnasse m’a dit : « je le veux au Petit Montparnasse ».
A ce moment là je ne savais pas que le spectacle allait rencontrer l’engouement du public et de la presse ainsi que des professionnels. La pece tourne beaucoup, deux Festivals d’Avignon.
Le spectacle s’est bonifié. Grâce à Avignon, j’ai pu fluidifier et le texte et la mise en scène. Grégori Baquet s’est blessé, j’ai donc réduit les changements de décors et le spectacle a trouvé un nouveau souffle. J’écoute beaucoup les spectateurs si ils s’ennuient quelque chose ne fonctionne pas il faut savoir réagir. Il faut savoir être à l’écoute et être humble, savoir se remettre en question.

WT : Vous êtes un véritable chef de troupe. Un artisan du théâtre.

Jean- Philippe Daguerre : Un chef de troupe oui, j’aime travailler avec une équipe. Je ne suis rien sans elle.

WT : Vous ne restez pas sur vos acquis. Monter Clérambard avec neuf comédiens c’est un challenge.

Jean- Philippe Daguerre : J’adore Marcel Aymé, et cette pièce est magnifique. Pour moi c’est ma préférée. Je ne suis pas pour la politique culturelle prudente. Mais ce fut dur de la monter. Marcel Aymé n’a pas les cartes en ce moment et je trouve ça dommage. Marcel Aymé est un auteur de génie qui, je suis sûr, va encore faire parler de lui
On manque d’audace. Je suis très heureux que trois comédiens de ce spectacle soit nommés aux Molières et pour les comédiens c’est vraiment formidable. J’aimerai que le spectacle puisse, après le théâtre 13, être joué dans une autre salle parisienne.

WT : Le festival d’Avignon est une vitrine incontournable pour les compagnies ?

Jean- Philippe Daguerre : Oui, mais à quel prix. On parle beaucoup pour Avignon, du prix de location des théâtres, mais il faut parler des loyers des logements. Se loger à Avignon coûte une fortune. C’est hors de prix, les loyers sont multipliés par sept.

WT : Question traditionnelle, avez-vous préparé un discours ???

Jean- Philippe Daguerre : J’y pense, j’y pense !

A propos de l'auteur
Marie-Laure Atinault
Marie-Laure Atinault

Le début de sa vie fut compliqué ! Son vrai nom est Cosette, et son enfance ne fut pas facile ! Les Thénardier ne lui firent grâce de rien, théâtre, cinéma, musée, château. Un dur apprentissage. Une fois libérée à la majorité, elle se consacra...

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