Stéphane Degout et Cédric Tiberghien à l’Opéra-Comique le 9 octobre
Degout et des couleurs
Stéphane Degout et Cédric Tiberghien passent en souplesse du lied à la mélodie et nous révèlent des pages magnifiques de Guy Ropartz.
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- 10 octobre
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C’EST TOUJOURS UNE JOIE d’écouter la voix de Stéphane Degout, que ce soit à l’opéra ou dans le cadre d’un concert. Une voix de baryton splendide, très belle également quand le chanteur, au hasard de quelques mots, présente les pages qu’il s’apprête à interpréter. Le voici qui aborde le Liederkreis op. 39 composé par Schumann sur des poèmes d’Eichendorff (à ne pas confondre avec le Liederkreis op. 24 sur des texte de Heine) : un cycle tourmenté, comme on l’imagine, avec des pages miraculeusement suspendues (« Mondnacht », Clair de lune) ou amoureusement exaltées (« Frühlingsnacht », Nuit de printemps, avec son emblématique « Nachtigall », rossignol). Au piano, Cédric Tiberghien fait bien sûr plus qu’accompagner, comme il nous l’avait déjà montré il y a un an dans le même théâtre : il fait corps avec le chanteur, il est à la fois son bâton de voyageur et l’astre qui le conduit vers l’horizon sans cesse promis.
Ce cycle est relativement célèbre, bien plus en tout cas que les Quatre poèmes d’après l’Intermezzo de Heinrich Heine composés par Guy Ropartz (1864-1955) sur des traductions en vers de Pierre-René Hirsch. Et c’est une véritable découverte : par leur ampleur, par leur côté tragique et passionné, ces quatre mélodies atteignent au plus haut degré de la mélodie française. Cédric Tiberghien joue le vaste prélude avec une douloureuse éloquence, avant que la voix de Stéphane Degout traverse toutes les humeurs, joue de toutes des couleurs jusqu’à l’amertume finale de « Depuis que nul rayon de tes yeux bien-aimés ».
Ineffable et déboutonné
Les trois mélodies de Rita Strohl (1865-1941) composées sur des poèmes de Baudelaire (Fantôme, Obsession, Madrigal triste), malgré leur finesse, emportent moins mais, elles aussi, méritent qu’on les sorte de l’oubli. C’est tout le mérite de ce récital que de nous emmener dans des contrées méconnues, où l’on croise à la fin les plus familiers Debussy et Ravel. Du premier, on goûte en particulier l’ineffable Indifférent (le troisième volet de Shéhérazade) et sa chute troublante sur les mots « Par ta démarche féminine et lasse ». Du second, Stéphane Degout nous fait entendre de très véhémentes Ballades de François Villon ; il nous prouve qu’il arrive à se déboutonner sans difficulté, comme il nous l’a déjà montré quelques minutes plus tôt dans la Chanson à boire de Don Quichotte à Dulcinée de Ravel, dont Cédric Tiberghien joue sans sobriété, et c’est heureux, la tumultueuse partie pour piano.
En bis, un Spectre de la rose de Berlioz plus charnu que spectral, et le dernier volet du Promenoir des deux amants de Debussy, confirment, s’il était nécessaire, la belle complicité artistique liant le chanteur et le pianiste.
Illustration : Stéphane Degout et Cédric Tiberghien (photos Jean-Baptiste Millot)
Lieder et mélodies de Schumann, Ropartz, Strohl, Ravel et Debussy. Stéphane Degout, baryton ; Cédric Tiberghien, piano. Opéra-Comique, 9 octobre 2025.



