Critique – Opéra & Classique

Das Rheingold de Richard WAGNER

« Mano a mano » entre le dieu et son double maléfique.

Das Rheingold de Richard WAGNER

La mise en scène de Dieter Dorn, très créative, un peu naïve par moments, a veillé à maintenir la continuité du récit et s’est beaucoup intéressée au travail dramatique des chanteurs. Le décor de Jürgen Rose a traité avec soin les transitions entre les différents tableaux de l’opéra : le fonds du fleuve, le monde des dieux et les bas-fonds du Nibelheim. Les étonnantes disparitions d’Alberic lors de ses transformations à la demande de Loge, ont retenu l’intérêt du nombreux public présent. Dans l’ensemble Dieter Dorn a créé un monde certes quelque peu infantile -le dragon en papier, le départ des dieux en ballon,…-, mais riche et cohérent, où la légende a pu s’épanouir librement.

L’orchestre, sous la baguette de Georg Fritzsch, en parfait accord avec la mise en scène, a maintenu pendant toute la soirée l’atmosphère de triomphe et de désespoir, contrastée, onirique, indispensable au commencement sombre et complexe de la saga de l’or dérobé et de son pouvoir maléfique.

Les artistes sur scène ont donné vie aux personnages dans le cadre ainsi proposé par la scénographie et l’orchestre, grâce à un travail dramatique et vocal impeccable.

Le public a apprécié avant tout le « mano a mano » entre Tom Fox/Albéric- et Tómas Tómasson/Wotan-. Deux voix graves, uniformes, sans aucun souci de tessiture, de volume ou de justesse. Celle du dieu à l’émission élégante, au timbre clair, celle du monstre, très rude, au timbre plus obscur. L’un comme l’autre ont montré une personnalité forte, volontariste, bien définie : le dieu, habillé de blanc, tâchant d’imposer son autorité aux siens par la seule conviction, le diable, habillé de noir, voulant imposer la sienne par la force et la peur à ses esclaves souterrains. Les deux grands artistes ont déployé des moyens vocaux surpuissants lors de leurs duels féroces.

Certes Wotan a eu l’appui de l’efficace Loge, bien interprété par Stephan Rügamer qui a prêté à l’astucieux serviteur ses immenses qualités artistiques, parfaitement conformes à ce que l’on attendait du personnage : le ton aigu de sa voix, son timbre monochrome, la vivacité et la fantaisie corporelle.

Dan Karlström a joué Mime, le frère et souffre-douleurs d’Albéric. Le ténor, vocalement impeccable, a réussi à renforcer par ses craintes justifiées, le côté maléfique de l’horrible voleur de l’or. Par sa présence -dramatique et vocale- Ruxana Donose s’est montrée à tout moment la digne épouse du dieu suprême, et Agneta Eichenholm -Freia- sa sœur, à ses côtés, a exprimé de sa voix aigüe, légère, la fragilité ressentie par le personnage ainsi que ses irrépressibles craintes, à la vue des deux géants.

Si Christoph Strehl -Froh- a parfaitement rempli sa mission, de sa voix blanche et sans trop de caractère, la petite déception de la soirée est venue du travail de Stephan Genz -Donner-, car l’artiste n’a pas donné à son dieu l’éclat attendu au moment précis du fatal coup de marteau.

Bien que les échanges entre les filles du Rhin - Polina Pastirchak (Woglinde), Carine Séchaye (Wellgunde), et Ahlima Mhamdi (Flosshilde) - et Albéric aient maintenu un niveau vocal de grande qualité lors de la première scène, c’est sans doute la soprano Polina Pastirchak qui a donné aux dialogues leur vrai ton et leur continuité. L’intervention de Wiebke Lehmkulh (Erda) aura convaincu Wotan mais par son expression autoritaire mais pleine de nuances.

On n’oubliera pas le travail des deux géants constructeurs. Alexey Tikhomirov, a incarné Fasolt, amoureux de Freia dès qu’il s’est rapproché d’elle en attendant l’or promis par Wotan. Taras Shtonda -Fafner- en revanche, s’est seulement -et viscéralement- montré intéressé par l’or. Il a chanté d’une voix prégnante, très riche en harmoniques, grave à souhait.

Das Rheingold Prologue en quatre scènes à la Tétralogie « Der Ring ders Nibelungen » de Richard Wagner. Livret du compositeur. Production Gran Teatre de Genève. Mise en scène de Dieter Dorn. Décors et costumes de Jürgen Rose. Orchestre de la Suisse Romande. Direction musicale Georg Fritzsch. Chanteurs : Tómas Tómasson, Tom Fox, Dan Karlström, Taras Shtonda, Ruxana Donose, Alexey Tikhomirov, Stephan Genz, Christoph Strehl, Stephan Rügamer, Agneta Eichenholz, Wiebke Lehmkuhl, Polina Pastirchak, Carine Séchaye, Ahlima Mhamdi.

Grand Théâtre de Genève les 12 février, 5 et 12 mars 2019
Billeterie : CP 5126 – CH 1211 Genève 11
billeterie@geneveopera.ch
Téléphone +41 22 322 50 50

Photos Carole Parodi

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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