Théâtre des Déchargeurs (Paris)

Compléments d’objets

D’utilité publique

Compléments d'objets

En dépit des nombreuses contraintes protocolaires qui encombrent votre agenda, il convient de vous inciter à consacrer une heure au congrès annuel de l’A.F.D.S.P.P.O. , sigle qui correspond, vous ne l’ignorez probablement pas, à l’Association Française de Défense et de Promotion du Patrimoine Objectal, organisme dont on peut certes s’étonner qu’il n’ait pas encore été reconnu d’utilité publique. Sa vocation consiste en effet à réhabiliter des objets qui ont disparu de notre vie quotidienne - ce fait est d’autant plus avéré qu’ils n’ont même jamais existé, étant le fruit de l’imagination délirante de concepteurs ingénieux. Le congrès, qui se tient dans le cadre chaleureux du théâtre des Déchargeurs, a donc pour objet (si l’on peut dire) de présenter aux spectateurs avisés que vous êtes sans aucun doute, quelques spécimens particulièrement significatifs de ces éléments rares d’un patrimoine d’autant plus précieux qu’il est totalement improbable.

Des objets dont la principale caractéristique est l’inutilité

Ce sont les deux responsables de l’A.F.D.S.P.P.O. qui opèrent : sa trésorière (Delphine Lehericey), une alerte jeune femme dont le charme n’a d’égale que la maladresse, et son président (Jean-François Maurier), qui cultive avec pointillisme ses manières d’huissier maniaque, sans pour autant nous dispenser de quelques colères d’autant plus virulentes que les motifs en sont parfaitement aléatoires. Et c’est avec un zèle cocasse qu’ils font défiler ces objets, dont la principale caractéristique est l’inutilité ou, plus précisément, l’inemployabilité. Citons, par pure gourmandise esthétique, la cyclette (on l’aura compris, c’est la vaine moitié de l’immortelle bicyclette), la MU138, un vaporisateur des plus rustiques qui fonctionne plutôt comme un arrosoir collectif, le bruyard (l’orthographe n’est pas garantie), un jeu qui n’est pas sans similitude avec le billard, sauf que personne ne peut prétendre jouer avec, ou encore le couvrier sauvage, qui nous apprend que les ustensiles indispensables pour nos repas avaient des origines agricoles, ce qui conduit à dénoncer la scandaleuse production de couvriers génétiquement modifiés (on attend encore la protestation de José Bové). Ayons enfin une pensée émue pour ces tongues bigouden, plaisantes chaussures de plages creusées dans... du granit Breton de pure origine.

Un moment de joyeuse rigolade

Pour faire bonne mesure, nos deux experts-présentateurs proposent quelques références historico-sémantiques d’une troublante vraisemblance, qui ont tout pour faire le bonheur des grammairiens et des sociologues. On l’aura compris, au rayon des spectacles absurdes mais certes pas stupides, ces Compléments d’objets occupent une place singulière et réellement originale. Une manière de rituel auquel on souhaite longue vie, tant il constitue pour les spectateurs un moment de joyeuse rigolade, usant finement du deuxième, du troisième et, parfois même, du soixante quatorzième degré, ce qui nous permet de faire fonctionner simultanément nos cerveaux et nos zygomatiques. D’utilité publique, vous dis-je !...

Compléments d’objets, conception et jeu : Delphine Lehericey et Jean-François Maurier ; mise en scène : Marie Chavelet ; scénographie, costumes, accessoires : Sandrine Righeschi. Théâtre des Déchargeurs. Tél : 01 42 36 00 02.

A propos de l'auteur
Stéphane Bugat

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