La Deuxième Symphonie de Mahler à la Maison de la radio et de la musique
Chanter la résurrection
De concert en concert, le Chœur de Radio France s’épanouit avec bonheur. Une récente Deuxième Symphonie de Mahler vient d’en donner une nouvelle preuve.
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- 25 octobre
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LE CHŒUR N’INTERVIENT QU’À LA TOUTE FIN de la Deuxième Symphonie de Mahler, sur les paroles « Auferstehn, ja, auferstehn wirst du » (« Tu ressusciteras, oui, tu ressusciteras »), qu’il doit aborder avec une extrême douceur. C’est là un moment particulièrement poignant, après ce très étrange passage qui fait dialoguer deux flûtes dans l’orchestre avec des fanfares et des timbales placées dans les coulisses. Et c’est ce moment, précisément, qui restera dans nos mémoires à l’issue de cette Symphonie « Résurrection » donnée à la Maison de la radio et de la musique par l’Orchestre national de France et son directeur musical. Sous la houlette de Lionel Sow en effet, le Chœur de Radio France s’affirme soir après soir « par la précision, l’ensemble, la chaleur », comme dirait Berlioz dans Lélio. La séquence qui suit, après cette entrée pianissimo, a quelque chose d’un peu déclamatoire, mais le chœur sait maintenir la tension et tenir tête sereinement au déchaînement orchestral (car pour les toutes dernières mesures, les quatre cors et les quatre trompettes installés en coulisse viennent sur la scène se joindre à l’orchestre, déjà très fourni !).
Pour le reste, on admire toujours les belles couleurs de l’Orchestre national, les nuances apportées par les cors, la présence du trombone solo, la poésie du cor anglais (on sait que Mahler sollicite tous les pupitres), le joyeux babil des clarinettes et des bassons dans le troisième mouvement, la belle tenue des cordes, tendres ou râpeuses quand il le faut. Mais on aurait attendu de la part de Cristian Măcelaru une lecture moins linéaire, plus tenue, une vision d’ensemble qui nous fasse réellement voyager des imposantes funérailles du premier mouvement à l’hymne conclusif. Certes, le cinquième mouvement est moins construit comme un finale de symphonie qu’à la manière d’un poème symphonique ponctué d’une cantate. Mais il y a dans cette vaste page composite, et dans la symphonie tout entière, une énergie qui innerve l’ensemble et fait des nombreux détails de la partition (les pizzicatos et l’usage si particulier des harpes dans le deuxième mouvement, pour citer un autre exemple) autant d’éléments d’une architecture serrée que l’auditeur aimerait percevoir afin d’en être saisi.
La Deuxième Symphonie fait appel également à deux voix solistes : un peu affectée dans le lied « Urlicht » (« La lumière originelle ») qui fait office de quatrième mouvement, Karen Gargill ne peut pas nous faire oublier l’ampleur de la voix de Gerhild Romberger, il y a un mois, dans la Troisième Symphonie du même Mahler. Elle met cependant une belle ardeur dans le finale, où la rejoint Hanna-Elisabeth Müller avec une sobre efficacité, sans que soit rompu l’équilibre entre les deux voix.
Illustration : Gustav Mahler sur les chemins escarpés de la résurrection (photo dr)
Mahler : Symphonie n° 2 « Résurrection ». Hanna-Elisabeth Müller, soprano ; Karen Cargill, mezzo-soprano ; Chœur de Radio France (dir. Lionel Sow), Orchestre national de France, dir. Cristian Măcelaru. Maison de la radio et de la musique, 24 octobre 2024.