C’est la guerre de Louis Calaferte
Le regard effrayé d’un enfant
Qui a écrit : « J’ai 13 ans, 14 ans, j’apprends l’homme, l’homme est une saloperie » ? Louis Calaferte, grand écrivain et auteur de théâtre, dont Véronique Boutonnet a préféré porte à la scène le récit d’où cette phrase est extraite. Calaferte y décrit les petits faits et l’effrayant quotidien de la Seconde Guerre mondiale, tel qu’il les perçut avec ses yeux d’enfants : l’enrôlement des hommes en âge d’être soldat, la faim, le marché noir, les coups de feu, un homme mort dans la rue, les bombes, la fuite, les rumeurs, la résistance, les petites et les grandes lâchetés, les femmes tondues… Le tableau est impitoyable. Et pourtant traversé d’une belle pitié.
L’espace se découpe en trois compartiments : à gauche, un lieu avec piano ; au centre, un bistrot avec la radio d’époque et les casiers à bouteilles ; à droite, l’espace rêvé de l’enfance. Véronique Boutet joue la présence féminine, mais elle est aussi la voix de l’auteur, avec sa colère et son indignation. Richard Arselin et Franck Etenna sont d’autres voix de l’auteur. Parfois, ils chantent les chansons de ces années-là. Dans une grande liberté, le spectacle alterne l’action collective et la parole en solo.
La mise en forme aurait tendance à tourner au tableau d’époque, au récital ou au cabaret rétrospectif comme on en a tant vu, si les interprètes ne trouvaient, par moments, la violence saisissante du livre de Calaferte. Sans doute le spectacle est-il arrivé à Avignon insuffisamment mûri, pas encore totalement trouvé. Mais il y a des moments d’une force exceptionnelle. Tout à coup la parole, le geste, le regard frappent au cœur : on en est sonné, et admiratif.
C’est la guerre de Louis Calaferte, direction artistique et mise en jeu de Véronique Boutonnet, avec Richard Arselin, Frank Etenna et Véronique Boutonnet.
Théâtre des Barriques, 14 h 30, tél. : 04 13 66 36 52.
Photo Emmanuel Delaloy.