Critique – Opéra-Classique

100 Miniatures de Philippe Minyana et Bruno Gillet

La touchante complainte des jours sans importance

100 Miniatures de Philippe Minyana et Bruno Gillet

Instants vie, mots échangés, paroles tues : c’est la banalité du quotidien qui s’égrène dans cette centaine de moments volés, flashés en brèves comme des éclairs traversant le ciel de vies ordinaires. C’est le portrait d’une ville, selon les auteurs, Philippe Minyana, homme de théâtre et Bruno Gillet compositeur. Le premier est l’auteur de nombreuses pièces (Inventaires, La Maison des Morts, Epopée intimes…) où la sonorité du langage fait figure de personnage, le second, compositeur radiophonique fécond aime parer de musique les textes de grands de l’écriture comme Georges Perec ou Italo Calvino.

Ensemble ils ont conçu ce « mélodrame lyrique », complainte des jours sans importance, toujours pareils et pourtant habités de variantes, soucis et plaisirs, faim et soif, solitudes et rencontres, petits ratés et petites réussites.

Mireille Larroche, fondatrice de la Péniche Opéra dont elle vient de quitter le gouvernail met en scène ce théâtre musical qu’elle a servi durant tant d’années. Sur la scène d’un théâtre classique, à l’italienne, elle a conçu un espace en perspective latérale, un peu comme à bord de son bateau quand les spectacles se jouaient le long des hublots. Thibaut Fack, son scénographe, a aligné quatre espaces pour les quatre personnages, chacun chez soi ou déambulant chez l’autre, pans de murs en pastels gris et touches rosées, avec ou sans fenêtre, et des trouées où apparaissent les musiciens, violon, accordéon et guitare de l’ensemble 2e2m.

Hors décor, à l’extrémité jardin, Vincent Leterme, pianote sur les claviers d’un piano droit, d’un célesta d’un synthé et fait tourner une petite crécelle à chaque changement d’instantanés de la vie des uns ou des autres, Edwige Bourdy, la ménagère esseulée se console en inventant des plats devant sa gazinière blanche, Paul-Alexandre Dubois, quadra-quinqua la guette, à la recherche de l’âme sœur, la jeune Eléonore Pancrazi, gamine rebelle fait face au fougueux Christophe Crapez, superbement hirsute et ahuri. Il disent et chantent les mots de Minyana qui résonnent comme des notes et les sons de Gillet qui murmurent comme des paroles, sa musique discrète, presque timide, pointant le nez de ses modulations comme des petits signes de la main sur le quai d’une gare. Les quatre acteurs-chanteurs sont nature, évidents et quand ils se réunissent pour entonner ensemble « les bonnes recettes d’Annette », ses ragoûts, ses pâtés, ses beignets et autres pains perdus, leur chœur gourmand met en appétit.

100 Miniatures de Philippe Minyana et Bruno Gillet, ensemble 2e2m, direction Pierre Roullier, chef de chant et pianiste Vincent Leterme, mise en scène Mireille Larroche, décors Thibaut Fack. Avec Edwige Bourdy, Christophe Crapez, Paul-Alexandre Dubois, Eléonore Pancraz i.

Paris -Vingtième Théâtre, jusqu’au 19 avril, du jeudi au samedi à 21h, le dimanche à 17h
01 48 65 97 90

Vitry sur Seine – Théâtre Jean Vilar, le 9 mai à 21h, le 10 mai à 16h
01 55 53 10 60

photos Mathilde Michel

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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